Le 28 mai 2020, le tribunal de commerce de Paris statuera définitivement sur le sort de l’équipementier et ensemblier industriel varois, en procédure de sauvegarde depuis janvier.
FO appelle l’État à intervenir pour éviter le démantèlement d’activités stratégiques pour la France.
Le compte-à-rebours est enclenché pour l’équipementier et ensemblier varois CNIM (Constructions navales et industrielles de la Méditerranée), en grandes difficultés après la défaillance en cascade de plusieurs partenaires industriels. Le 28 mai, le tribunal de commerce de Paris doit définitivement statuer sur le protocole de financement sensé lui permettre de se redresser mais où les banques lui imposent la cession ou l’adossement de ces activités d’ici fin 2020.
Ce protocole va conduire purement et simplement au découpage de notre groupe, dénonce Jean-Pierre Polidori, délégué syndical FO de l’UES CNIM. Compte-tenu de la dimension stratégique du groupe CNIM, il appelle l’État à intervenir rapidement par une prise de participation temporaire significative au capital, et à l’assortir d’une aide de 100 millions d’euros pour traverser la crise. Actuellement, il n’y a aucune participation publique au capital de la CNIM.
Arrêter le désastre industriel et social en cours
Avec l’appui de la Fédération de la métallurgie, le syndicat a alerté l’exécutif, jusqu’à la présidence de la République, sur les risques majeurs encourus. Et il n’entend pas relâcher la pression. Seul l’État peut arrêter le désastre industriel et social en cours, explique le militant FO.
Le groupe CNIM est un fleuron de l’industrie française : fondé en 1856, il figure aujourd’hui parmi les principaux contributeurs au programme de recherche nucléaire ITER, au prototype de plateforme stratosphérique Stratobus de Thales ou aux ailes Oceanwings de propulsion éolienne pour décarboner le transport maritime du futur.
Il est aussi un équipementier de premier rang de la Direction Générale des Armées. Il compte 2.600 employés, dont près d’un millier à La Seyne-sur-Mer (Var) qui est son principal site pour ses divisions « environnement », « énergie », « innovation et systèmes » et doit être étendu. En 2019, son chiffre d’affaire, non audité, a atteint 588,4 millions d’euros.
La défaillance d’un partenaire de seize ans
Si le groupe se retrouve devant le tribunal de commerce de Paris, ce n’est pas en raison de son activité, rappelle le militant FO. La CNIM est ébranlée par la défaillance en décembre de son partenaire anglais en génie civil depuis seize ans, l’entreprise Clugston, elle-même victime de la défaillance de sous-traitants sur plusieurs contrats d’usines de valorisation de déchets ménagers.
La situation a affolé les marchés, entraînant un tel effondrement du cours boursier de la CNIM (plus de 20%) qu’il a été suspendu. Face à l’impact estimé de cette défaillance sur sa trésorerie, évalué à 60 millions d’euros, l’industriel a demandé le 2 janvier l’ouverture d’une procédure de conciliation avec ses créanciers.
Depuis, un premier protocole d’accord, signé mi-mars, s’est soldé par la mise en vente du siège parisien pour 41 millions d’euros. Le 29 avril enfin, un protocole de conciliation a été signé avec un pool bancaire, l’actionnaire industriel historique allemand Martin Gmbh et l’État français, au terme duquel la CNIM doit se voir accorder de nouvelles lignes de crédit et de cautionnement pour un total (sur les deux protocoles) de 400 millions d’euros. Mais la bonne nouvelle n’est qu’apparente pour FO CNIM.
L’impasse du protocole financier négocié par les banques
Car, pour l’obtenir ce protocole, l’ensemblier varois a été contraint d’accepter de sévères concessions, dont la création de quatre fiducies (une condition suspensive) auxquels seront transférés les titres des différents pôles. Egalement imposée, la recherche de repreneurs et/ou d’investisseurs pour permettre l’adossement ou la cession de ses activités à des tiers à même de valoriser au mieux ses actifs. Et cette recherche doit aboutir dans un laps de temps très court, d’ici la fin 2020, tempête Jean-Pierre Polidori qui juge l’échéance irréaliste s’il s’agit de rechercher des partenaires industriels pérennes. La direction a confirmé que la banque conseil Rothschild & Cie est saisie de la recherche d’un acheteur.
Le militant dénonce encore les conditions drastiques imposées pour l’obtention de financements de court terme. Pour couvrir ses besoins jusqu’à la fin 2020, la CNIM a besoin de 44 millions. Ils lui ont été accordés, mais moyennant un taux d’intérêt de 6% et seulement pour une durée de 12 mois. Je ne vois pas comment le groupe sera en capacité de rembourser dans le temps imparti, sachant qu’il a fait, en moyenne sur les six derniers exercices, 30 millions d’euros de bénéfices par an. C’est le mettre dans la quasi-obligation de faire des cessions, pointe le délégué syndical FO.
Sacrifié sur l’autel du Covid-19
Pour Jean-Pierre Polidori, seule une nationalisation partielle de la CNIM permettra au groupe d’avoir un temps réaliste et les conditions nécessaires, pour sortir de la crise. C’est pourquoi le délégué syndical appelle l’exécutif à reconsidérer sa position.
Le 30 avril dernier, Bercy a débloqué 11 millions d’euros pour soutenir l’équipementier, via un prêt de la BPI. Cette réponse n’est pas à la hauteur des enjeux ni de la dimension stratégique du groupe CNIM. A-t-il été sacrifié sur l’autel du Covid-19 ?, interroge le militant syndical, encore surpris des conditions financières faites par la BPI à l’équipementier.
La plus grande partie du prêt consenti (8,7 millions sur un total de 11 millions d’euros) l’a été en effet à un taux d’intérêt de 6%. Le même que celui des banques privées.
Elie Hiesse, journaliste L’inFO militante