Les émirs passent au Qatar et les problèmes internes demeurent, certes les qatariens ont en moyenne un fort pouvoir d’achat, mais une partie d’entre eux est en passe d’être largué. Pour briller à l’international on finit par oublier le local.
Au-delà des apparences
Un tiers des qatariens passent beaucoup de temps à l’étranger pour leurs achats, vacances, études, leur travail, ils vivent bien, avec des projets plein la tête. Un tiers arrivent encore à faire face aux charges courantes et voyager un peu, mais avec difficultés, imaginer leur futur est des plus complexes. Le dernier tiers est largué et ne survit que par un endettement dont ils ne peuvent plus s’échapper, ils ne voient pas d’issue à court terme et le mécontentement grandit. Ils s’aperçoivent que les émirs passent au Qatar et les problèmes internes demeurent.
Du temps de l’émir Hamad, pour faire connaître le Qatar dans le monde entier, des milliards de dollars ont été utilisés, cela pouvait se comprendre, peu connaissaient ce pays. Mais l’émir Hamad oubliant qu’il était un petit état, se mit à rêver de vouloir influencer le Moyen Orient et même au-delà. L’ambition lui attira de nombreux ennemis tant externes qu’en interne qui finirent par l’obliger à passer le témoin à son fils.
Lorsque l’émir Tamim arriva au pouvoir, succédant à son père, il comprit qu’il fallait accorder plus d’importance au « Qatar intérieur », mais au-delà des apparences rien ne bouge et l’écart social entre qatariens se creuse. Certes le nouvel émir a compris qu’il fallait y mettre des formes et être moins visible à l’international, mais le Qatar s’implique encore beaucoup en Afrique et au Moyen Orient. Si moins de milliards de dollars sont consacrés à l’international, la course à l’armement et la Coupe 2022 sont venus grever les finances publiques, au moment de la baisse brutale des prix des hydrocarbures. Les indicateurs économiques sont nettement moins favorables et c’est par l’endettement qu’une croissance de 3,5 % en moyenne, sera maintenue pour les 3 prochaines années. L’éducation nationale devient moins prioritaire, le secteur santé moins qualitatif et la population perd une bonne partie de sa classe moyenne expatriée, au détriment d’une population à bas revenus qui consomme peu et ne restera pas.
Depuis quelques heures une inquiétude supplémentaire vient à l’esprit, de l’observateur assidu du Qatar que je suis. Les changements profonds qui surviennent en Turquie qui vont donner le pouvoir absolu à Erdogan, ne vont- ils pas à nouveau réveiller la soif d’influence que le Qatar avait du temps de l’émir Hamad et dont Tamim était un des acteurs principaux ? Le « Qatar de l’intérieur » sera- t- il doublement sanctionné par une course à l’armement, des projets pharaoniques et son alliance sans contrôles avec la Turquie ?
La réponse à ma question ne devrait pas tarder.