On finit toujours par trouver quelqu’un de plus machiavélique que soi. Les rois du double langage, les qataris, viennent de s’engager dans le piège dressé par les saoudiens, rétablir des relations avec l’Egypte. Même si le Qatar a des dons évidents de diplomatie, Abdelfattah Al-Sisi, le général président obéissant aux ordres de ses financiers, ne donnera rien de plus que ce que les saoudiens et leurs alliés ont décidé.
La reprise en main de l’Egypte par les saoudiens leur a coûté cher
Avant même que le président Morsi soit élu en Egypte, les saoudiens avaient déjà entrepris tout un schéma stratégique, appelé « Dégager Morsi », pour le faire tomber. L’armée dans un premier temps, une partie de la population dans un deuxième temps et l’incapacité pour les frères musulmans à gérer le pays ont fait le reste. La campagne électorale, et les premiers mois de la prise de pouvoir ont encore eu un prix non négligeable et puis il a fallu penser au moyen terme. On peut estimer l’ensemble du coût de l’opération « Dégager Morsi » et ses suites, à 25 milliards de dollars.
Le chiffre peut paraître énorme mais pour des pays comme l’Arabie saoudite et ses alliés, cela reste raisonnable. Les saoudiens ne pouvaient se permettre que l’axe turco – égyptien – qatari se développe, car il en allait de leur propre survie. C’était en son temps une menace bien plus importante que Daesh de nos jours. Si les frères musulmans avaient mis le « grappin » sur l’Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe, en quelques années, par effet de dominos, ils auraient représenté la « seule force du Moyen Orient » avec qui il fallait compter, balayant ainsi le pouvoir de l’Arabie saoudite
La prise de pouvoir du général président Abdelfattah Al-Sisi, se traduit dans les faits par les chiffres suivants, rapportés par plusieurs médias, plus de 1 400 manifestants pro-président déchu ont été arrêtés et plus de 15 000 Frères musulmans ou sympathisants emprisonnés. Le nombre de morts est lui difficile à évaluer, sûrement plus d’un millier, car aujourd’hui toute forme de presse libre ou ONG a, soit quitté le pays, soit est en attente de jours meilleurs. Comme le dit un article de RFI «On est vraiment dans une dictature militaire ».
Au niveau économique, à part des discours et des rêves, on ne voit rien venir de sérieux. L’escalade de la violence envers le peuple égyptien ne peut que se renforcer car les résultats ne peuvent pas dans le contexte international actuel et avec le nombre d’attentats en interne, être au rendez-vous. Tant que l’Arabie saoudite et ses alliés paient, le général président arrivera à tenir le pays.
Les nombreuses condamnations allant jusqu’à la peine de mort ont ému bon nombre de pays et même si en coulisse, des représentants de l’Egypte indiquent qu’il est toujours possible d’amoindrir ces peines, l’image de la terreur s’installe. Cela n’empêche pas des responsables politiques, comme Hollande en France, de recevoir Abdelfattah Al-Sisi. Parce qu’à la clé il pourrait y avoir des contrats, souvent militaires, de plusieurs milliards avec une garantie de paiement saoudienne. Cela ne suffit pas aux saoudiens qui ont emballé l’histoire.
Un événement lourd de conséquences s’est produit à Doha 9 décembre 2014
C’est par un communiqué de presse de l’AFP, que nous apprenions ce jour-là le soutien du Qatar au programme politique du général président Abdelfattah Al-Sisi dirigeant de l’Egypte : Le Qatar s’est rallié mardi aux autres monarchies du Golfe dans leur soutien à l’Egypte du président Abdel Fattah al-Sissi, après avoir longtemps appuyé les Frères musulmans décriés par ses partenaires au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Dans un communiqué final au terme de leur sommet annuel à Doha, les dirigeants des six membres du CCG ont proclamé « leur plein soutien à l’Egypte » et leur « appui au programme (politique) du président Sissi », surmontant ainsi leurs divergences à l’égard du pouvoir égyptien qui a décrété « terroriste » la confrérie des Frères musulmans.
En soutenant le programme politique de l’Egypte, le Qatar reconnait implicitement que le général président Abdelfattah Al-Sisi a eu raison de classer les frères musulmans comme « terroristes. » Après les américains, voilà les qatariens qui lâchent en rase campagne la Confrérie. Ceci ne sera pas sans conséquence pour l’avenir du Qatar et pour toute la région.
Pour les saoudiens cela n’est pas suffisant. Alors que l’émir Tamim signe un accord stratégique avec la Turquie y compris en matière de défense nationale le 19 décembre 2014, dès le lendemain le Qatar publie via (QNA) son agence officielle, le communique suivant : Doha, December 20 (QNA) – The Emiri Diwan on Saturday issued a statement saying that the State of Qatar welcomes the statement issued by the Saudi Royal Court and the initiative of the Custodian of the Two Holly Mosques King Abdullah bin Abdulaziz to consolidate the relations between Saudi Arabia and Egypt.
Responding to the statement, valuing the sincere efforts of the Custodian of the Two Holly Mosques and commending his known wisdom and strong desire to strengthen Arab solidarity for the welfare and interests of the Arab and Islamic nations, the State of Qatar affirms its complete support to sisterly Egypt, the statement said. Egypt’s security is important to the security of Qatar that the two countries are bound with deep ties and fraternal bonds, the statement added. Egypt’s strength is strength to all the Arab nation, therefor HH the Emir Sheikh Tamim bin Hamad Al-Thani took the initiative to send an envoy to meet with President Abdelfattah Al-Sisi, whose hospitality and good reception to the envoy, was highly appreciated.
The State of Qatar, which attaches great importance to the leading role of Egypt in the Arab and Muslim worlds, confirms its keenness on the close relations with Egypt and on developing these relations for the benefit of the two brotherly countries and their peoples.
HE the President of Egypt Abdelfattah Al-Sisi met today with HE Sheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, the Foreign Minister’s Assistant for International Cooperation Affairs, the Envoy of HH the Emir Sheikh Tamim bin Hamad Al-Thani to this mission and with HE Khalid bin Abdulaziz Al-Tuwaijri Saudi Arabia’s Chief of the Royal Court, the Private Secretary of the Custodian of the Two Holy Mosques and his envoy to this mission. (QNA)
Les saoudiens ne lâchent pas la bride autour du cou des qataris
La suite de l’histoire risque d’être passionnante. On finit toujours par trouver quelqu’un de plus machiavélique que soi. Les rois du double langage, les qataris, viennent de s’engager dans le piège dressé par les saoudiens, rétablir des relations avec l’Egypte. Même si le Qatar a des dons évidents de diplomatie, Abdelfattah Al-Sisi, le général président obéissant aux ordres de ses financiers, ne donnera rien de plus que ce que les saoudiens et leurs alliés ont décidé.
Pour les saoudiens, l’heure est venue de présenter la note aux qataris qui vont être tôt ou tard mis à contribution pour financer l’Egypte, colosse aux pieds d’argile. Mais l’essentiel pour les saoudiens est que le Qatar perde toute crédibilité au niveau international sur son soutien à la « nébuleuse des frères musulmans, » les qataris doivent comprendre qu’il ne faut plus recommencer. L’Arabie saoudite s’arrêtera-t-elle à l’Egypte ? Il y a des pièges qui, lorsque vous y mettez un doigt tout le reste suit, et les saoudiens ne manquent pas d’imagination.