Le directeur général du Qatar Investment Authority a été poussé vers la sortie à la surprise générale. Que paie-t-il ?
La méthode Tamim
Début juillet 2013, Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed prenait la direction du fond Qatar Investment Authority, nommé par le nouvel émir Tamim. Celui-ci se débarrassait en même temps de l’ancien premier ministre du Qatar HBJ, homme à très forte personnalité, ingérable pour le nouvel émir. Mais il rassurait les hautes personnalités du Qatar et le monde de la finance en nommant Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed, homme du sérail puisque ancien dirigeant de Qatar Holding, comme directeur général. Tranquillement, presque 18 mois plus tard, l’émir Tamim remercie à son tour Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed pour le remplacer par Abdullah bin Mohamed bin Saud Al-Thani quelqu’un de son équipe. Voici donc la méthode Tamim au grand jour, dans le calme et la sérénité mais avec force, il consolide son pouvoir.
Et pourtant Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed avait fait forte impression lorsqu’il y a quelques semaines il avait tenu une conférence à l’université Paris Dauphine. Mais une phrase nous avait quand même surpris «Notre objectif est de gagner de l’argent », avait-il martelé, reconnaissant que « la politique et la religion peuvent compliquer la gestion financière ». « Certains » au Qatar et ailleurs dans le Golfe auraient-ils mal compris ou trop bien compris « le manque de liberté » du directeur général du QIA ?
Et puis récemment, son échec concernant l’acquisition du quartier d’affaires londonien Canary Wharf, pourtant à portée de la main du QIA. Est-ce la grosse goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Ou plus simplement, il paie sa proximité de pensée avec l’ancien premier ministre HBJ, qui pour « certains », encore les mêmes, s’agite beaucoup en ce moment.
Ce que nous voyons de la méthode Tamim, c’est que tous ceux qui ne sont pas en accord avec lui, ou qui peuvent représenter un danger de déstabilisation; doivent « dégager » du pouvoir ou prendre de la distance.
Au pays des coups d’état, dans une famille où on le pratique, diriger c’est prévoir, prévoir c’est éliminer tous les dangers possibles. Il est tout à fait probable que ici où là, quelques innocents paient au passage. Mais Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed en fait-il partie ?
La réaction de HBJ, (Hamad bin Jassim al-Thani) l’ancien premier ministre écarté du pouvoir, sur les orientations actuelles du Qatar, notamment son rapprochement avec l’Arabie saoudite et la mise à l’écart d’un homme brillant comme Ahmed Mohamed Ahmed Al Sayyed, est attendue. Il sera aussi intéressant de suivre l’éventuel changement de l’administrateur du Crédit Suisse où le QIA est actionnaire.
Note concernant QIA
QIA est classé dans les fonds souverains activistes ou agressifs. Il est nourri des bénéfices dégagés par ses investissements et par le surplus financier dégagés par les ventes des hydrocarbures. Or si la tendance actuelle de la baisse des cours du pétrole avec ses conséquences sur le cours du gaz, venait à se confirmer, les moyens disponibles seraient moins importants que ceux estimés il y a quelques temps. Alors que le Qatar a construit son budget avec un prix du pétrole à 65 dollars le baril, espérant des marges comme dans le passé, il pourrait être à terme impacté par cette baisse et avoir besoin de « piocher » dans le QIA. En outre le programme d’investissements du Qatar pour ses infrastructures, pour sa défense, pour la diversification de son économie, est énorme et aura besoin d’importants fonds pour les prochaines années qui ne pourront pas venir alimenter QIA.
Nous en reparlerons …