Lorsqu’en 2010 Hamad bin Khalifa Al Thani, Emir du Qatar, donne son feu vert pour la coupe du monde de football, il sait qu’il va attirer l’attention sur son pays. A – t-il réellement pesé les évolutions nécessaires pour apparaître football mondial compatible ? A – t-il conscience que tous ses opposants focalisent sur ce qui reste à faire, oubliant ce qui a été fait ? Hamad bin Khalifa Al Thani, Emir du Qatar, est un stratège. En se mettant dans une situation de non retour, il force la main aux trois forces auxquelles il doit faire face.
Les forces internes
Ces force internes sont les religieux, notables et classes moyennes qu’il fait avancer à marche forcée. Depuis ce 27 juin 1995, où il destitue son père, cet homme a montré qu’il fallait que le Qatar, son pays, rattrape le retard qu’il avait pris, c’était une histoire de survie. En moins de 20 ans, l’Emir a amené la société Qatarienne, au 21 ème siècle. Le saupoudrage financier qu’il fait aux 300 000 citoyens du Qatar n’est pas l’essentiel, même si pour la plupart d’entre eux, ils vivent « richement ». Ces forces internes ne suivent l’Emir que parce qu’il leur donne à rêver. Lorsqu’il fait écrire par rand Corporation et participe au plan Vision 2030 avec tout son staff, il sait qu’il sera attendu. On lui pardonnera toutes les évolutions, ici dans son pays, s’il continue sur la lancée actuelle, s’il réussi. Il sait qu’il doit déjà préparer, le jour où il devra dans quelques temps, partager son pouvoir non seulement avec sa femme Sheikha Mozah, ce qu’il fait, mais organiser le passage de témoin au prince héritier, il ne peut plus y avoir de rupture. C’est maintenant qu’il peut faire les réformes douloureuses, celles qui bouleversent de fond en comble la société, il en a la force et la volonté, c’est le moment d’agir. L’abandon du sponsorship system, remplacé par le contrat de travail généralisé et un renforcement du contrôle des entrées et sorties du territoire, est nécessaire.
Les forces régionales
Les forces régionales sont les pays autour et les autorités religieuses qui voient une évolution qui va se répandre comme une onde de choc, dans le Golfe Persique et bien au-delà. Arabie Saoudite, Kuwait, Bahreïn et tous les autres, savent que les travailleurs étrangers dans leurs pays ne peuvent être des sous citoyens. Ils savent tous qu’après l’abandon du sponsorship system il y aura, la place de la femme, le syndicalisme, une avancée supplémentaire dans la démocratie… An niveau régional il est de partout, le printemps arabe, il y a trempé jusqu’au cou, pas toujours facile à suivre. Ils surveillent donc Hamad bin Khalifa Al Thani, Emir du Qatar, ils savent qu’il ne reculera pas, qu’il a besoin de faire disparaitre une partie de son action ambigüe et que l’on ne peut pas contenter tout le monde. Il est présent dans tout le Moyen Orient, mais cela ne lui suffit pas.
Les forces internationales
Tous attendent une aide ou surveillent les actions de l’Emir du Qatar. En Afrique, son argent devient incontournable pour faire sortir de terre les grands projets. Il rêve d’amener son gaz jusqu’en Europe. Il s’assoie à la table des grandes puissances. Il achète des terres en Australie, flirte avec la Chine, l’Inde et d’aucuns disent que les USA en installant une de leurs bases au Qatar, leur ont ouvert le parapluie de protection militaire et une aide non négligeable dans le pays en cas de difficultés internes. Hamad bin Khalifa Al Thani sait que pour exister au niveau international, il doit faire bouger les pays arabes, peser dans les suites du printemps arabe, permettre aux américains d’avoir un œil sur l’Iran, rapprocher les palestiniens entre eux, ne pas ignorer Israël….
Finalement il n’a pas le choix, le sponsorship system vit ses derniers jours.
Je lui rappellerai que le livret ouvrier, cousin du sponsorship system existait en France jusqu’à fin 1890. Le patron gardait le livret pendant tout le temps où l’ouvrier travaillait chez lui. L’ouvrier ne pouvait pas partir quand il le souhaitait. C’était un livret pour identifier le travailleur et noter les entrées et sorties des maîtres successifs. Il y avait une interdiction de coalition. Le travailleur qui voyageait sans en être muni était un vagabond et risquait de la prison.
Hamad bin Khalifa Al Thani, Emir du Qatar, n’est pas homme à rester sur ce sujet, au début des années 1900, ou alors tout ce qu’il fait n’a pas de sens et accueillir la coupe du monde de football n’était pas une bonne idée.
Votre dévoué, Web –Reporter – Editorial du 14-4-2013