Le Qatar a-t-il lui aussi franchi la ligne rouge pour les USA ?

Ami ou ennemi, la question se pose de plus en plus sur les relations réelles entre les USA et le Qatar. Après les parlementaires américains, ce sont maintenant les dirigeants au plus haut niveau qui s’interrogent sur l’opportunité de continuer à supporter une stratégie Qatarie qui bien souvent va à l’encontre des intérêts des USA. Et si le récent propos prêté à Bandar bin Sultan Al Saud n’était pas une simple boutade mais un avertissement au Qatar ?

L’activisme du Qatar complique la stratégie des USA

Libye, bande de Gaza, Egypte, Liban, Soudan, Mali… et maintenant la Syrie, lorsqu’on examine le comportement du Qatar ces dix dernières années et en particulier depuis trois ans, il s’éloigne de plus en plus des intérêts américains et de ses alliés. Le lancement d’Al Jazzera Amérique et le blocage de toute solution en Syrie sont les deux derniers éléments qui deviennent insupportables pour les USA. Un certain nombre d’experts considèrent que le soutien du Qatar à certains rebelles syriens empêchant toute solution négociée met aujourd’hui les USA dans une position de non retour pour des frappes contre Assad. OBAMA a l’étrange sensation de se faire forcer la main.

 

La base américaine d’al- Udeïd au Qatar pourrait être sur la sellette

Auparavant, les américains étaient installés en Arabie, principalement dans la base Prince Sultan, située dans la localité de Kharj à une centaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale Ryad. Mais les restrictions de plus en plus importantes imposées par Ryad aux militaires américains quant à leur comportement dans le pays et surtout en ce qui concerne l’usage des bases militaires ou de l’espace aérien ont conduit les stratèges du Pentagone à envisager une alternative. Ils se sont installés petit à petit au Qatar à partir de 2001.

Dix ans plus tard cette base représente-t-elle toujours autant d’intérêt pour les USA, rien n’est moins sûr. Pour OBAMA et les militaires américains, les interventions du futur ne nécessiteront plus autant de moyens humains et avec le retrait d’Afghanistan un pied à terre aussi important ne se justifie plus autant. Reste l’Iran, avec les moyens dans la zone Mena et les moyens mobiles actuels, cela devrait suffire.

Et la sécurité du Qatar que devient-elle ? Si on est ami ou allié c’est une préoccupation, si on considère que l’on ne partage plus les mêmes intérêts et que la zone rouge a été franchi, c’est une autre histoire.

Des tensions qui s’accentuent depuis trois ans

Jeremy Shapiro chercheur américain qui s’empresse de dire que ses propos n’engagent que lui dans un article très argumenté, lance l’avertissement.

En Libye, les efforts américains pour soutenir la formation d’un gouvernement de transition libyen modéré et capable de gouverner efficacement la Libye ont été constamment contrecarrés et minés par une politique qatarie indépendante…Cela n’a pas été meilleur en Syrie. Le  Qatar a émergé après 2011, sans doute le soutien extérieur le plus important de l’opposition syrienne au régime Assad. Le Qatar a dépensé, selon les rapports de presse, plus de 3 milliards de dollars pour l’aide à l’opposition… Comme en Libye, les Qataris ont utilisé leur influence pour contrecarrer les efforts des États-Unis et d’autres pour promouvoir l’unité au sein de l’opposition syrienne qui est la condition préalable à une solution négociée à la guerre…

Comme l’explique Brian Katulis, le Qatar voit dans  le réveil arabe une opportunité pour répandre son influence et son idéologie en se servant des frères musulmans. Et c’est ce qu’il fait de la Libye à la Palestine.

L’arrivée du nouvel émir changera-t-elle la situation ?  Tamim est largement considéré comme l’un des architectes de la situation Libyenne et de la politique en Syrie au cours des deux dernières années, y compris le patronage des frères musulmans.

Alors que faire ? Jeremy Shapiro pense qu’il faut tenter de convaincre Tamim de changer de politique et de coller plus aux intérêts américains. En même temps pousser l’Arabie saoudite à assumer son rôle de leader. Et puis s’il le fallait, fermer la base d’al- Udeïd, découvrir d’un seul coup que plus d’un million de travailleurs vivent dans des conditions pitoyables et enfin s’interroger sur la Coupe du Monde de foot. Les américains pourraient d’un seul coup là aussi s’apercevoir que les conditions de la tenue de cette coupe au Qatar ne sont pas réunies.

Alors USA et Qatar amis ou ennemis ? L’avenir proche nous le dira, peut être aussi que la « boutade » prêtée à Bandar bin Sultan Al Saud disant « le Qatar c’est seulement 300 personnes et une chaîne de télévision » n’est pas si innocente que cela.

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