Je le dis à tous : pas de retour en arrière, pas de bégaiement, pas de surplace.
26 juillet 2023
Madame, Messieurs les ministres, Monsieur le Haut-Commissaire, Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie,
Madame et Messieurs les présidents de province, chère Sonia, cher Jacques, Madame la maire, chère Sonia, merci pour vos mots,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis heureux de revenir ici, à Nouméa, cinq ans après ma première visite. En cinq ans, un chemin courageux a été parcouru, au gré de trois consultations. En cinq ans, le destin de la Nouvelle-Calédonie s’est précisé même si l’avenir reste à écrire. Et depuis cinq ans, vous m’avez manqué.
Votre accueil, votre enthousiasme, vos attentes légitimes, votre envie de vous emparer pleinement de votre avenir sont là. Je le mesure, je le sens, je l’entends. Et de Touho à Magenta en passant par Moindou, j’ai vécu ces deux jours avec vous, cette ferveur dans toute la diversité de vos parcours, de vos espoirs, de vos récits. Kanak, Caldoches, Métropolitains, Wallisiens, Futuniens, Polynésiens, Vietnamiens, Japonais ou Métis. Françaises et Français du Pacifique, avec cette jeunesse qui est la plus grande richesse de l’archipel.
Je suis venu en cette année où nous commémorons les huit décennies de l’esprit de Résistance ici, sur cette terre où, parmi les premiers, des enfants de France se sont résolus à s’engager pour la France libre, pour que la France indépendante vive libre. Et c’est cette mémoire, ce sont ces combats qui aussi nous obligent.
Cette rencontre, j’ai voulu la faire ici à Nouméa, place des Cocotiers, devant cette nouvelle place de la Paix ; vous venez de l’évoquer, madame la Maire. Devant ces statues de deux grands Calédoniens, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Avec Michel Rocard, on peut dire de Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou que, « sans rien abandonner, ils ont su donner et pardonner ». Et ce courage du don se lit aujourd’hui sur leurs visages, dans leurs regards aujourd’hui immobiles derrière moi, où passe l’amitié, la confiance, un sens de la fraternité. Se donner tout entier dans ce geste de confiance, sans se renier, sans abandonner l’essentiel de ce qu’ils étaient. Car cette poignée de mains ouvrait le champ d’un avenir partagé.
Et dans un monde où ressurgissent les rivalités, la brutalité, le cynisme froid des volontés de puissance, où la liberté est sans cesse menacée ; ce processus, initié il y a 35 ans, est une fierté pour nous tous, un exemple pour le monde, un exemple français, un exemple calédonien. Et cette fierté, c’est celle du chemin que vous avez construit et que les générations ici et là ont bâti : celui de la paix.
Il y a 35 ans, rien n’était écrit. Et ce que vous avez su faire, c’est sortant du pire, des événements, de la pire des craintes et des divisions ; nous avons su tous ensemble, préserver la paix, partager des compétences et le pouvoir, bâtir des institutions nouvelles, et procéder à ces trois consultations que j’évoquais. Et malgré le poids des événements, malgré tout cela, c’est un trésor, ce qui a été fait. Et devant tous les jeunes qui sont là, devant moi et tous les jeunes qui nous écoutent, et peut-être plus encore pour ceux qui ne sont pas là ; je veux le dire : ce trésor est inestimable. Et personne, personne ne peut ni ne doit ne le remettre en cause. La paix est ce trésor que vous avez fait.
Alors maintenant, il nous appartient de regarder les cinq années que nous venons de traverser et de regarder l’avenir. Il y a cinq ans, j’avais pris des engagements devant vous. J’ai beaucoup de défauts ; on me les reproche, mais j’essaie au maximum de dire ce que je vais faire et toujours de faire ce que j’ai dit. Et donc, j’ai modestement fait ce que je vous avais dit il y a cinq ans. Ce que nous avons fait ensemble, c’est aussi de faire ce que les signataires avaient décidé, ce sur quoi mes prédécesseurs s’étaient engagés, ce que les accords avaient prévu.
En cinq ans, nous avons avancé. Les consultations prévues par l’accord de Nouméa se sont tenues après des campagnes ouvertes et respectueuses. La première a été organisée à l’initiative de l’État. La deuxième, à la demande des non-indépendantistes et la troisième à la demande des indépendantistes. Elles ont été organisées dans le respect des règles démocratiques et sous le regard d’observateurs de l’Organisation des Nations unies.
L’État a veillé à la bonne tenue du scrutin. Et pour ma part, j’ai toujours agi selon des principes simples : ne pas être lâche, ne rien reporter, ne rien cacher, assurer la continuité de l’État républicain, tenir les engagements pris, être le garant des choix faits par mes prédécesseurs dans la continuité des accords de Matignon-Oudinot, puis de Nouméa, appliquer la lettre et l’esprit de ces accords, conserver un espace de dialogue entre toutes les forces intéressées et avoir aussi la franchise d’exprimer une préférence personnelle, ce que je crois être le mieux pour la France et pour la Nouvelle-Calédonie.
Je veux tout particulièrement, pour cette période, remercier le ministre des Armées, alors ministre des Outre-mer, et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer qui ont personnellement, l’un puis l’autre, été engagés pour veiller à cette période. Sans heurts, avec respect, le processus a suivi son cours, et c’est une victoire collective. Je veux, à cette occasion, remercier les maires,
quelles que soient leurs sensibilités, pour la bonne organisation de ces opérations de vote. Merci à vous tous et à vous toutes.
Nous l’avons fait dans une période inédite où l’épidémie était là ; qui, pendant plus de deux années, a bloqué beaucoup de choses, a perturbé le monde entier, tout particulièrement la région. Et je veux dire combien l’État, tous les services de l’État, et je remercie les directeurs et les directrices qui sont ici présents, combien nos forces armées en Nouvelle-Calédonie, se sont mobilisées pour, aux côtés de vos élus, du Gouvernement, des provinces et des maires, pour faire en sorte que les populations soient protégées, qu’elles soient accompagnées, qu’elles soient vaccinées, qu’elles puissent passer cette période d’épidémie qui a été aussi celle de cette expression. Merci à vous pour cela. Vous avez, je crois, tous et toutes vécu ce que signifiait être Français quand les grands risques advenaient.
Alors, à l’issue de ces trois référendums, je ne mésestime pas les aspirations déçues de ceux qui défendaient un tout autre projet mais nous devons avoir collectivement la grandeur d’accepter ces résultats et de construire ensemble la suite. A vous tous, je dis que je suis honoré à vos côtés, d’avoir été le Président qui a conduit le processus politique prévu par l’accord de Nouméa. Les trois référendums ont eu lieu : la Nouvelle-Calédonie est française parce qu’elle a choisi de rester française.
Aujourd’hui, je suis venu vous dire très solennellement avec respect et humilité que je serai aussi avec vous, toutes et tous, le Président d’un nouveau projet et je veux le bâtir avec vous : celui de la Nouvelle-Calédonie dans la République. Je le dis avec beaucoup d’enthousiasme, d’ambition, je vais y revenir, mais avec une certaine gravité parce que ces derniers mois, j’ai écouté, reçu, les ministres sont venus. Je vous ai vu un peu partout. J’ai reçu ce matin l’ensemble des responsables politiques qui ont accepté de venir et je les en remercie. Pour ceux qui n’étaient pas là, je veux leur dire d’abord que j’ai été personnellement blessé par leur absence parce que j’ai toujours, je le crois ici, agi avec ce respect et cette humilité : celle de s’écouter.
Je le dis à tous : pas de retour en arrière, pas de bégaiement, pas de surplace. Mais dans le moment que nous vivons, et ce qui en pose la gravité, il y a plusieurs risques. D’un côté, il ne faut pas nier ces référendums qui sont l’expression d’un processus signé, voulu et qui a été loyalement organisé. Je le dis avec d’autant plus de force devant plusieurs responsables indépendantistes qui étaient là ce matin, qui sont là encore devant moi : il ne faut pas accepter en quelque sorte les diktats de ceux qui ne savent plus trop où est leur base et qui viennent là en disant : n’y allons pas. N’y allons pas, parce que peut-être tous ne seront pas d’accord.
Le dialogue. Le dialogue tripartite, c’est un courage. Et c’est un courage que vous avez eu, qui fait que nous sommes là aujourd’hui. C’est celui qui a mis fin à la violence, c’est le seul courage qui bâtit l’avenir. Se réfugier dans le silence, se réfugier dans l’isolement, se réfugier dans un séparatisme, c’est choisir de fait, à nouveau, aujourd’hui ou demain, le risque de la violence. À cela, non !
De la même manière, je dis aux non-indépendantistes : est-ce que ces trois référendums ont tout réglé ? Est-ce qu’ils ont purgé toutes les questions ? Est-ce qu’on pourrait, en quelque sorte, repartir sous un jour nouveau en disant : « allez, tout ce qui faisait les difficultés, on l’a réglé. On avance, la République est là ; nions tous les problèmes, les fractures, les frustrations, les tensions et avançons ». Non. Et il faut, dans ce moment, redoubler d’humilité et de sens des responsabilités et savoir, là aussi, d’où nous venons collectivement. Ce que j’attends des uns et des autres, c’est de ne pas répéter les erreurs de l’histoire, de sortir du face-à-face qui reconduira aux mêmes violences, aux mêmes difficultés, et de dire : nous avons acquis une chose, par trois reprises. Comme prévu, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française.
Nous avons consolidé une deuxième chose. Par le respect, par l’esprit de l’accord de Nouméa, constitutionnalisé, nous avons bâti la paix. Et nous savons une troisième chose : il nous faut maintenant construire l’avenir, le jour d’après, par un projet ambitieux, profond, uni, qui suppose, à mes yeux, de savoir tresser deux chemins, qui sont le message que je veux avoir pour vous aujourd’hui, et qui sont tout autant de risques pour tout le monde ; mais qui sont notre devoir de sortir du face à face, du bloc à bloc ; qui seuls permettront l’unité, la réconciliation, le chemin d’avenir, pour la Nouvelle-Calédonie, dans la République et dans le Pacifique.
Ce sont le chemin du pardon et le chemin de l’ambition commune et de l’avenir. Pourquoi ? Parce que si nous passons des années dans le statu quo, le suspens, des jeunes ou des moins jeunes continueront de partir. Parce que si nous continuons dans le statu quo, le monde ne nous attend pas : les tensions géopolitiques s’accroîtront, réduiront nos possibles. Parce que si nous restons dans le statu quo, le changement climatique ne nous attendra pas. On le voyait encore hier à Touho : la côte reculera et les réponses ne seront pas là. Nous avons un devoir d’agir pour les nouvelles générations, pour notre jeunesse, qui suppose, pour chacune et chacun, moi le premier, de prendre quelques risques, de sortir de nos positions acquises, de nos automatismes. C’est cela, le projet d’avenir que je suis venu vous proposer.
Alors, le premier chemin, celui que j’évoquais, peut-être pour certains, ils ne m’attendaient pas là aujourd’hui après ces trois votes, mais je le dis d’autant plus et je commence par là. C’est le chemin du pardon. C’est un chemin que nous devons parcourir ensemble, faire ensemble. Ce n’est pas un chemin de repentance : c’est un chemin de fraternité, de vérité et de courage. Parce que si j’essaie de regarder en face notre histoire en Nouvelle-Calédonie, il y a un fait initial : une prise de possession, celle d’une terre qui était liée à un peuple autochtone depuis des millénaires. C’est un fait : il y a eu l’évangélisation, puis la prise de possession. Et je nous voyais, avec les ministres et ma délégation, à chaque instant faire coutume à vos côtés pour marquer le respect à la tradition, aux autorités coutumières, à ce lien ancestral.
En 1853, nous n’avons pas fait coutume, soyons clairs et honnêtes. Et je crois que ce fait inaugural et la violence qui l’accompagne est une souffrance première qui a empêché ensuite beaucoup d’autres histoires. Il nous faut la regarder en face. Il nous faut regarder en face cette histoire, ce début et ce passé qui ne veut pas passer. Alors, il ne résume pas toute l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, loin de là, mais il faut aller déjà chercher celui-ci.
Et c’était le sens même de ce que j’ai fait il y a cinq ans lors de cette première rencontre avec vous ; lorsque j’avais pris l’initiative pour montrer la volonté de l’État d’avancer de vous remettre ici solennellement l’acte de prise de possession de 1853. C’était une première étape, c’était de le remettre. J’ai été frappé d’une chose. Cinq ans après, plusieurs d’entre vous m’ont dit, « on n’a pas compris ce que vous avez voulu nous dire, ce que vous avez voulu faire ». C’était quoi le message, au fond ? Alors, j’ai compris, parce que j’apprends, c’est ce que j’aime à votre contact, que l’erreur que j’avais faite, c’était de penser qu’un acte unilatéral pouvait venir corriger un autre acte unilatéral. Ça ne marche pas comme ça. Ça ne correspond pas, ni à la cosmogonie mélanésienne, ni au récit, à l’histoire à la force Kanak et calédonienne. Et donc, j’ai compris qu’il fallait bâtir un chemin avec plus d’humilité, peut-être plus de temps. Je me suis dit : l’erreur que j’ai faite, c’était de vous remettre cet acte à Nouméa.
Alors, j’ai proposé au président MAPOU, ce matin, après en avoir discuté avec Emmanuel KASARHÉROU et d’autres, si vous acceptez de le faire. Il faudrait au fond que cet acte, on lui fasse refaire le chemin, le chemin initial de la possession et du moment de la colonisation, de ces différentes batailles, de ces moments difficiles, en partant peut-être du bon endroit. Il ne m’appartient pas de le définir, l’histoire le dit. Et ma conviction, c’est qu’avec les autorités coutumières, les maires, l’ensemble des élus, les associations, les jeunes qui sont là aussi, les historiens ; que ce chemin soit un chemin qui bâtisse la possibilité de ce chemin de pardon. Je dis humblement devant vous aujourd’hui que moi, j’y suis prêt et que je pense que ce chemin est important. Il faut l’imaginer, il faut le faire ensemble, avec beaucoup d’humilité. Ma conviction, c’est que si nous savons le faire ensemble, il déplie beaucoup d’histoires possibles à écrire.
Parce qu’au fond, depuis des années, à vous lire, vous écouter, parce que nous n’avons pas fait ce chemin et ce geste, on s’est enfermés dans une erreur. L’erreur, c’est qu’on corrigerait la possession, la colonisation par l’indépendance. Je ne crois pas que ce soit vrai. Je pense que d’abord, on ne corrige rien ; le passé est là. Mais je pense qu’on rend un futur possible par un chemin de pardon à bâtir et à faire ensemble. C’est cela ce que je veux vous proposer aujourd’hui solennellement.
Mais cette souffrance du peuple Kanak, elle n’épuise pas les souffrances. Et c’est l’immense défi. Une partie des fractures, des ressentiments qu’il y a en Nouvelle-Calédonie ; il y a la souffrance des Bagnards et de ceux qui en descendent, des Maghrébins, des Asiatiques, de tant et tant d’autres qui, dans ce qui fut une colonie de peuplement, dans ce qui est l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, est là. Et donc ces souffrances, on doit aussi les déployer, en redéfinir les mémoires, l’histoire, la vérité. Il y a aussi ce que la République a apporté à la Nouvelle- Calédonie, à ce territoire qui est notre fierté. Ce que nous avons bâti, construit ensemble et qui en a complètement changé le visage et qui a fait cette force. Et il y a ce que les Calédoniennes et les Calédoniens, malgré toutes ces histoires qui auraient pu les séparer, ont fait, ont bâti, ont choisi. Ça, c’est une force qui est aussi inaliénable que cette histoire première.
C’est pourquoi je souhaite que ce chemin de pardon embrasse aussi une initiative plus large qui porte sur l’histoire moderne et contemporaine, et qui correspond à l’initiative portée par le
Comité Mémoire, histoire, vérité, réconciliation, et qui se propose de réunir tous ceux qui souhaitent recueillir la parole et les témoignages de ceux qui ont vécu les événements, de collecter les mémoires et de permettre l’apaisement et de permettre aussi de consolider la sédimentation de cette histoire commune. Ce comité doit se renforcer, être indépendant. Je l’ai dit il y a deux jours : je souhaite que ceux qui participent au Comité des Sages y participent et que toutes les bonnes volontés s’y joignent.
Je suis convaincu que ce chemin de pardon, de mémoire, d’histoire est indispensable pour construire un chemin de réconciliation. Je vous le dis avec gravité, avec responsabilité et avec affection : il n’y a aucun débat institutionnel, aucun débat politique qui règle les sujets de mémoire, de respect et les histoires. Et le risque du surplace, il est dû au fait que nous avons ici ensemble un passé qui ne veut pas passer. Je ne suis pas pour l’effacer, au contraire : je suis pour qu’on l’écrive, le consolide, qu’on le pense, qu’on le raconte, qu’on le transmette dans toutes ses composantes. Et je suis pour bâtir ensemble ce chemin de pardon. Voilà la proposition que je vous fais aujourd’hui.
Le deuxième chemin que je veux avec vous bâtir, que je suis venu vous proposer, qui est tout autant indispensable, qui est jumeau, et qu’il faut savoir tresser avec le premier ; c’est un chemin d’avenir, de projet, d’ambition.
Ce nouveau projet, c’est d’abord celui d’institutions pérennes, rénovées, efficaces pour sortir du face-à-face du processus politique prévu par l’accord de Nouméa, qui devait être instauré en proposant un choix binaire dans un calendrier fermé. Alors, je le dis ici très clairement, il n’est pas ici question de revenir sur les acquis. Ils sont notre héritage de Matignon et Nouméa : le principe et le droit à l’autodétermination, les institutions locales et la citoyenneté.
Mais certains points doivent être réécrits au cœur du nouveau projet ; c’était prévu par ces mêmes accords, parmi les dispositions qui étaient transitoires. Je pense d’abord au corps électoral où je constate sur ce point que vos représentants ont tous accepté de faire un premier pas en avançant sur le dégel du corps électoral pour les provinciales de 2024. Ce travail, qui a commencé sous l’égide du ministre, se poursuivra dans la trilatérale qui est prévue autour de la Première ministre et du ministre à la fin de l’été, et doit se finir à l’été automne.
Il est important et je souhaite qu’une révision de la Constitution de la Ve République puisse intervenir début 2024. Il s’agira d’une révision constitutionnelle dédiée à la Nouvelle-Calédonie parce que votre histoire originale au sein des institutions de la République le justifie et parce que la Nouvelle-Calédonie demeurera une collectivité à part, disposant de son propre titre au sein de notre Constitution.
C’est aussi l’aboutissement de l’instauration de la citoyenneté calédonienne, qui jusqu’ici s’est traduite par des restrictions transitoires, qui conditionnent le droit de vote et qui limitent l’accès à l’emploi local. Ces dispositions, disons les choses avec vérité, produisent aussi des relégations et des frustrations. C’est pourquoi je vous demande d’engager un travail pour faire advenir une citoyenneté pleine et entière, fondée sur un contrat social fait de devoirs et de droits, et non pas sur la seule inscription sur une liste électorale. Une citoyenneté locale qui prenne en compte l’histoire, la culture, l’appartenance au Caillou. Une appartenance aux racines multiples, pour certaines millénaires, solidement ancrées dans la terre, ou plus récentes, et qui ont contribué aussi à son développement, aux projets, à son présent et à son avenir.
Vous l’avez compris donc, à très court terme, il nous faut avancer sur le dégel du corps électoral pour les provinciales qui doivent se tenir en 2024. Il nous faut ensuite avancer sur cette citoyenneté calédonienne et la construction d’une citoyenneté pleine, substantielle. Et il nous faut enfin bâtir ce statut nouveau tel que nous voulons le faire. Alors, peut-être celui-ci pourra- t-il se faire en quelques mois. Je le souhaite. Mais je ne veux presser personne. Et sur ce point et sur le sujet du statut, il doit se construire dans le consensus, le respect de chacun, l’écoute, mais l’écoute active, l’écoute où aucune chaise ne reste vide et où chacun propose.
Mon souhait, c’est que nous bâtissions ensemble, dans les mois, les trimestres qui viennent, un statut nouveau qui permette de prévoir des institutions, de la stabilité dans le temps, de la visibilité pour se projeter, pour que les générations sachent qu’elles auront de la durée, de la stabilité, du respect, de la reconnaissance de tous, mais pas des rendez-vous tous les ans où l’on vote. Et donc, il nous faut un nouveau statut avec un processus qui serve ce projet d’avenir, d’ambition et de respect, et qui, bâti sur le consensus, soit fidèle à nos valeurs et à notre devise, et qui réponde à des questions simples. Comment construire l’avenir, le modèle économique et social de la Nouvelle-Calédonie ? Comment bâtir un projet qui permet de faire une place juste aux femmes dans la société calédonienne ? Comment bâtir un projet qui permette de construire un avenir durable et souhaitable pour nos enfants en Nouvelle-Calédonie ? Comment bâtir un grand projet ambitieux, océanique et pacifique ? Ce statut, il doit répondre à une ambition et à un projet, avant toute chose.
Alors, au-delà de ces questions institutionnelles et politiques, ce sur quoi je suis venu essayer d’éclairer les travaux et vos débats à venir, c’est en quelque sorte le contenu de cette ambition. Au-delà de cet éclairage que je viens de porter sur le passé, comment ensemble nous pouvons, nous devons éclairer notre avenir ? Pour moi, ce statut à bâtir, ce projet, ce chemin d’avenir doit reposer sur deux piliers. D’abord, refonder le modèle économique et social pour une société plus ambitieuse et plus apaisée ; et ensuite bâtir une puissance océanienne, véritable levier de rayonnement international et socle de notre Indopacifique.
Alors oui, le premier, la base de notre projet de statut à bâtir, c’est un projet économique et social. Ce qui fait que les jeunes resteront, ce qui fait que les jeunes qui sont là auront un avenir, ce qui fait que dans 20 ans, 30 ans, ils pourront continuer de bâtir ce bon chemin, ce sont des emplois ici créés, c’est de la richesse ici produite, c’est de l’ambition partagée. Et pour cela, nous avons des forces et des difficultés qu’il faut regarder en face. Le socle de cette refondation, c’est une relance économique qui passe par la souveraineté industrielle, énergétique et agricole.
Alors, la Nouvelle-Calédonie est évidemment toujours associée au nickel. Cette filière, tant par l’extraction minière que par la métallurgie, marque vos paysages, votre histoire, l’équilibre des territoires, les emplois. Elle est au cœur de l’histoire du développement, puis de la politique de rééquilibrage qu’a connue la Nouvelle-Calédonie. Et le nickel est une richesse pour la Nouvelle- Calédonie. C’est aussi, et je le dis ici avec force, une ressource stratégique majeure pour la France et l’Europe, à l’heure où nous avons engagé un effort massif de réindustrialisation. A ce titre, le nickel doit pouvoir être pris en compte dans la législation européenne sur les matières premières critiques.
C’est une force pour la Nouvelle-Calédonie et pour la France mais soyons clairs, le nickel n’enrichit pas suffisamment votre territoire. Pourquoi ? Parce que des contraintes réduisent sa compétitivité et limitent la rentabilité des entreprises de métallurgie, avec un cercle vicieux que chacun connaît. Alors, bon, on m’avait fait un discours extrêmement prudent et sophistiqué mais si je vous lis le discours qu’on m’avait fait, je crains que les uns me trouvent très poli et que les autres considèrent que l’État va encore mettre de l’argent pour régler les problèmes de court terme sans régler aucun problème de long terme. Comme ce n’est pas mon tempérament, je vais vous dire ce qu’il en est, puisqu’hier, autour du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, avec tous les élus et les industriels, il y a eu une réunion importante.
Je vais donc vous dire où l’on en est et ce qu’on va faire avec beaucoup de franchise. On a trois usines. Elles sont très importantes pour l’équilibre des territoires et pour l’emploi. Une partie de notre activité de nickel est très stratégique, une autre partie moins, parce que ce n’est pas le même nickel. On a un premier travail à faire, c’est de réorienter une partie de notre production pour aller vers les bons produits et les bons débouchés. C’est un travail qu’il faut engager.
La deuxième chose, c’est qu’aujourd’hui, aucune de ces usines n’est rentable. Aucune. Elles ne sont pas rentables parce que le modèle des productions n’est pas compétitif et parce que l’énergie n’est pas compétitive. Il y a donc un travail qu’il faut faire et qui est la responsabilité de toutes les parties prenantes, déjà à court terme. Pour être compétitif, il faut faire deux choses : il faut bouger la doctrine nickel, parce que s’il y a zéro export, il y a peu de chances que ce soit compétitif pour ces trois usines ; et il faut un peu bouger les équilibres de production. C’est la réalité, ça ne fera pas plaisir à tout le monde, mais c’est une réalité. Donc ça, c’est le travail que j’attends de vous. Alors l’État pourra accompagner, mais je vous le dis sincèrement, ce n’est pas sérieux si on accompagne et si le travail sur, d’une part, l’export nickel n’est pas fait, et sur les coûts de production n’est pas fait.
Et puis, parce qu’il faut en même temps, comme je le disais, réorienter une partie de notre production pour aller vers les bons produits plus stratégiques et qui ont des débouchés, tout en consolidant le nickel-batterie ; on va construire les filières, la valorisation aval pour en faire un maximum en Nouvelle-Calédonie, pour sécuriser les acheteurs et l’aval avec vous.
Et puis, on va devoir engager un immense chantier qui est celui de la refonte du système énergétique. Parce que le seul moyen d’avoir un avenir pour la filière nickel, c’est de produire une énergie qui est compétitive par rapport au reste de la région, donc moins chère pour les entreprises et qui est beaucoup plus décarbonée. Parce que la réalité qui est cruelle, c’est qu’aujourd’hui, à cause de cela, la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être compétitive parce qu’elle produit du nickel qui est beaucoup plus cher que l’Indonésie ou d’autres, qui ont de l’énergie à moindre coût, et nous sommes un des territoires où la tonne de CO2 par habitant est la plus important, parce qu’on le fait avec du charbon. Ce n’est pas cohérent et ça ne pourra pas durer.
Et donc, la refonte du système énergétique, productif est essentielle. Ce sont plusieurs milliards d’euros. Là, on ne va pas se battre sur les compétences. On va être clair, il n’y a que l’État qui peut le financer. Mais je vais être sérieux : je n’utilise pas l’argent du contribuable pour financer des modèles improductifs. Et donc, on va s’engager sur un projet nickel d’avenir. Sur la base de ce que je viens de dire, rendez-vous en septembre autour des ministres, avec toutes les parties prenantes, mais chacun devra faire une partie de l’effort, améliorer les coûts de production, réorienter la stratégie, changer la doctrine nickel et investir massivement pour changer le modèle énergétique.
La deuxième grande force, c’est l’agriculture. C’est une force. On a des agriculteurs qui sont là. C’est une force, mais nous ne sommes pas à l’autonomie alimentaire. 17 % de ce qu’on consomme est produit sur le territoire et donc on est très dépendants. Ce chiffre n’est pas bon, parce que s’il y avait à nouveau des grandes crises sanitaires, des risques géopolitiques ; importer de plus de 80 % de ce qu’on consomme, même s’il y a aussi de la culture vivrière, qui est une chance pour les territoires, même s’il y a des équilibres locaux qui sont là, et une culture vivrière qui correspond à la culture kanak, qui est aussi une force et qu’on ne compte pas toujours dans les chiffres et les statistiques. Entre parenthèses, on a besoin de statistiques agricoles actualisées ; je compte sur vous pour les faire. Mais on doit renforcer notre modèle agricole.
Je veux qu’on le renforce tous ensemble. D’abord, vous avez des exploitants agricoles très courageux, très forts ; et j’étais hier auprès de l’un d’entre eux, formidable, à Moindou, avec l’ensemble de la filière. Mais au-delà de Moindou et de toutes les communes qui étaient avec moi, on avait beaucoup d’exploitants qui me disaient leurs préoccupations. Là aussi, on va tous prendre nos responsabilités.
Première chose, l’État va continuer d’investir dans la recherche agroalimentaire. On va investir pour aider plusieurs filières à innover, à continuer à se passer au maximum d’intrants et pouvoir faire de la production plus compétitive, comme on l’a vu hier sur l’ananas.
Mais on doit aussi être lucides sur le fait que l’immense défi en matière d’agriculture, ce sera le foncier. Et les quatre, les trois dernières décennies ont permis de réussir une chose qui correspondait aux accords : la restitution d’une partie des terres. À cet égard, l’ADRAF a vraiment réussi sa mission mais on a aujourd’hui un immense défi qui est celui de l’aménagement foncier et de l’accès au foncier des jeunes agriculteurs et de ceux qui veulent s’installer. Je le dis avec force : nous devons réussir cette mission.
Et donc, pour cette ambition agricole, on doit réussir ensemble, et ça peut passer par des négociations. Il faut aménager le foncier, il faut permettre des justes prix aux jeunes exploitants de reprendre ou d’accéder à du foncier, il faut permettre aux jeunes de reprendre à un bon coût et donc de les aider à porter ce foncier avec des bonnes structures. L’ADRAF sera réformée pour aider à faire de l’aménagement foncier et de l’aménagement agricole dont nous avons besoin. Et nous devons aussi aider des jeunes qui ne sont pas dans le secteur à s’installer. La leçon de Moindou, c’est celle-là. Je l’ai retenue.
Au-delà de ça, évidemment, il faut que vos entreprises, dans le numérique, dans les autres secteurs que je n’ai pas ici cités, puissent continuer à se structurer, se développer, rayonner. Vous savez que Business France a déjà conduit des études auprès des entreprises calédoniennes et que nous continuerons, là aussi, de pousser le modèle pour qu’il trouve des opportunités dans toute la région.
Et puis, il faut aussi que ce modèle économique, qui doit reposer sur beaucoup d’autres filières, mais je ne veux pas être plus long que je ne le suis, permette de construire un modèle social plus vertueux. Je le dis ici aussi avec beaucoup de franchise : le modèle économique et social calédonien reste un modèle extraordinairement injuste, dans trop d’endroits. Quand on regarde les chiffres, on a des niveaux d’inégalités qu’on retrouve dans très peu d’autres territoires de la République. On ne peut pas être fiers d’avoir voté pour rester dans la France et rester dans la République, et ne pas vouloir être fier de sa devise : « liberté, égalité, fraternité ». Et donc, ces grandes forces productives qu’on va développer tous ensemble, cette ambition, doivent servir aussi à bâtir un modèle social plus juste, moins d’inégalités économiques.
Et donc, il faut que tous ensemble, on revoie aussi les règles pour que les avantages fiscaux aillent aux endroits qui permettent de produire mais qui ne creusent pas des inégalités de rente. Ce n’est jamais une bonne chose. Il faut, tous ensemble, qu’on ait le courage de regarder aussi les inégalités femmes-hommes qui existent sur le territoire, d’aider les associations qui font un travail formidable et de penser à un modèle économique et social qui permette plus d’égalité entre les femmes et les hommes.
Il faut, comme d’ailleurs l’État s’est engagé à le faire aux côtés du Gouvernement et des provinces, à travers ce qu’on a vu ce matin à Magenta, qui, avec la SIC, grâce au financement de l’Agence française de développement qui est au capital et qui a remis de l’argent de l’État aux côtés du Gouvernement, avec, on l’a vu tout à l’heure à Magenta, la Province sud ; fait de l’inclusion sociale, aide à développer des projets, et on continuera de le faire à nos côtés. Mais il faut donc aussi un modèle social plus juste. C’est ça aussi qui permettra d’arrêter le face-à- face, le dos-à-dos et les tensions. C’est ça aussi qui permettra de sortir des ressentiments qui demeurent.
Vous l’avez compris, on doit donc tous prendre ensemble nos responsabilités, réformer les choses, investir, et changer les habitudes qui ont parfois encore trop de force. Il n’y a aucune tradition qui justifie certaines habitudes. Aucune tradition, ce n’est pas vrai. Et moi, j’ai noté une chose qui m’a beaucoup ému : la dignité de l’homme est au cœur des valeurs kanak, est au cœur de la République. La dignité, c’est l’égalité femmes-hommes, c’est la place des personnes en situation de handicap et c’est la lutte contre toutes les inégalités injustes. C’est la bataille pour l’égalité des chances et la lutte contre les inégalités de destin.
Le deuxième pilier, après ce modèle économique et social dont nous avons besoin, le deuxième pilier de ce chemin d’avenir que nous devons bâtir tous ensemble, c’est de conforter la Nouvelle- Calédonie comme une puissance océanienne et un levier de rayonnement international et indopacifique de la France.
Il y a cinq ans, je vous le disais, et je l’avais présenté en Inde, en Australie, j’ai voulu pour notre pays une stratégie Indopacifique forte. Beaucoup nous regardaient les yeux écarquillés. La France parle d’Indopacifique. Vous, vous étiez moins surpris. On a mis du temps, même à Paris, à changer les choses, parce que beaucoup, il faut bien le dire, dans les administrations ou les États-majors, disaient : « le Président de la République, il a cette lubie, mais enfin, on a déjà beaucoup de priorités, nos voisinages ne sont pas là ». Mais on ne peut pas être fier, quand on vient à Nouméa, à Papeete ou ailleurs, de dire : « regardez, nous sommes une puissance, nous sommes là », et considérer que ce serait un ailleurs.
La France est une puissance Indopacifique à travers vous et par vous. C’est une fierté, et c’est une force. Nous avons dans cette région près de 1,5 million compatriotes, plus de 8 000 militaires. Et cette force-là, nous l’avons ces dernières années, consolidée.
D’abord diplomatiquement, on a réinvesti une stratégie diplomatique que j’ai présentée il y a cinq ans en Inde, puis en Australie ; qu’on a déclinée avec tant de nos partenaires d’Indonésie, aux Fidji et que j’irai porter dès demain au Vanuatu, puis en Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec d’ailleurs plusieurs élus de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française qui m’accompagneront.
Cette stratégie, c’est celle qui consiste à dire, avec vous tous : la France a une voix dans le Pacifique et en Océanie. Cette voix, c’est celle de votre histoire ici, et qui réconcilie tout à la fois la tradition Kanak et la vocation de la République. C’est celle de la dignité humaine et de l’universalisme. C’est celle de l’ancrage et du respect des cultures qui font la force océanienne, et d’équilibres qui ne cèdent à aucune puissance.
Notre stratégie Indopacifique est simple : c’est la liberté de la souveraineté. Je le dis aussi ici avec beaucoup de force : regardons l’Indopacifique tel qu’il est. Ça nous aidera à sortir de nos débats et de nos guerres, en quelque sorte, intestines parfois. Les questions d’indépendance sont des questions des décennies passées. Si l’indépendance, c’est de choisir demain d’avoir une base chinoise ici ou d’être dépendant d’autres flottes, bon courage ! Ça ne s’appelle pas l’indépendance.
La France, elle offre à ses territoires en Pacifique la véritable indépendance, celle du respect de la République, qui respecte les cultures et la diversité, qui construit un projet d’avenir universel. Et la France, par sa stratégie Indopacifique, offre à ses partenaires cette même vocation : ne pas céder à des hégémonies et des impérialismes. Et donc, quand on vous explique qu’on va se sortir des griffes de la République française en allant trouver des pactes ou des alliances avec certaines grandes puissances voisines qui nous proposent des grands investissements, regardez la région, regardez. Regardez des pays qui étaient indépendants, qui sont allés faire des formidables contrats avec des grandes puissances, qui leur proposaient des formidables investissements ; comment sont-ils en train de se réveiller ? Criblés de dettes, ayant perdu leurs terres, ayant perdu leur souveraineté industrielle, minière, parce que ces grandes puissances leur ont prises. C’est ça, la réalité géopolitique de la région. Elle n’est plus entre nous, elle est là !
Et donc, dans cette réalité, la France n’est pas simplement un refuge : c’est un avenir, parce que nous avons une stratégie. Alors cette stratégie, elle repose sur un investissement diplomatique. On bâtit avec des partenaires cette volonté de construire la liberté, la souveraineté, d’investir à travers la Communauté du Pacifique qui a son siège ici et que j’avais réuni il y a cinq ans, avec le Forum des îles du Pacifique, et peut-être avec, il nous faut être innovants, des organisations régionales à inventer autour de nos territoires, certains me l’ont proposé ; et des associations nouvelles avec certains, j’y suis prêt.
Mais nous investissons pour proposer quoi ? Des stratégies, des alliances. Et pour moi, cette stratégie Indopacifique, ce qu’offre la France derrière ses valeurs, avec vous, se construit principalement autour de deux grandes ambitions : le climat et la défense. C’est simple et ça correspond aux enjeux de la région.
Le climat, pourquoi ? Parce qu’en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et- Futuna, partout dans la région, nous vivons les conséquences du dérèglement climatique. La vulnérabilité climatique, ce n’est pas une théorie. Et quand j’en parle à beaucoup de mes collègues européens qui pensent que c’est très lointain, je leur parle de ce que nous vivons ici. Je leur parle de ce que vous vivez, de ce que tant et tant de familles ici présentes, de communes, de territoires vivent ; ce qu’on a vécu à Touho avec la famille DELLY et avec plusieurs autres hier. Des familles qui sont arrachées à leur maison, à leurs ancêtres, à leurs morts. Des tribus, des clans qui sont complètement désorganisés, désorientés par les conséquences du changement climatique.
Nous avons, je crois, une voie, une réponse à apporter. Et cette réponse, je crois que ce que nous sommes nous rend encore plus forts pour le faire. Parce que cette réponse, c’est le mariage de la prise en compte de ce que les peuples autochtones connaissent de la nature. Il y a dans les peuples autochtones un savoir, une connaissance de la nature, de la terre comme des océans, de la biodiversité, de la manière de la préserver, de répondre aux conséquences de ce changement, de le prévenir et de préserver notre biodiversité.
Et puis la France, comme grande puissance scientifique, a une capacité aussi à comprendre, prévenir ces changements et à apporter une solution. Et donc, je crois que notre réponse en matière de climat, comme puissance indopacifique fait le mariage, justement, d’une Nation qui sait réconcilier la voix de peuples autochtones et d’une grande puissance scientifique.
C’est pourquoi nous avons pris plusieurs initiatives dans la région en ce sens et que nous allons continuer de les développer avec tous les partenaires de la région. C’est aussi pourquoi nous allons continuer ici d’investir sur la recherche, avec l’IRD, avec le CIRAD, avec IFREMER. Je tiens d’ores et déjà à vous annoncer la programmation du remplacement du navire de l’IFREMER. C’est un investissement de 6 milliards de francs pacifiques. Je vous le confirme aujourd’hui, Nouméa restera un port d’attache de la Flotte océanique française. Et ceci va nous permettre de continuer à répondre aux besoins de missions en mer pour réaliser des programmes de recherche dans les eaux de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie, d’avoir un outil de rayonnement de la France vers les États insulaires en développement du Pacifique Sud et un vecteur de diplomatie scientifique indopacifique.
Tout ça va nous permettre quoi ? De comprendre ce qui est en train de se passer, de mesurer les risques de montée des eaux, d’anticiper la montée des eaux et les menaces sur nos littoraux, de construire des stratégies avec les communes pour mieux protéger nos littoraux, de construire tout de suite des stratégies peut-être pour relocaliser certaines familles dans le temps. Par la science, par le respect des cultures autochtones, par l’organisation de notre administration et l’investissement, cette stratégie pour la Nouvelle-Calédonie, c’est celle que nous voulons avoir aussi en Indopacifique.
Vous l’avez compris, la stratégie climat et biodiversité est au cœur de cette ambition Indopacifique. Elle est une chance pour la Nouvelle-Calédonie, elle est une chance pour la France, elle est une chance pour tous nos partenaires dans la région.
A cet égard, demain et après-demain, j’annoncerai au Vanuatu, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, des investissements nouveaux. L’Agence française de développement va réinvestir dans la région des montants importants aux côtés des îles du Pacifique pour protéger la biodiversité. 760 millions de francs sont mobilisés pour cela en Nouvelle-Calédonie, mais nous allons investir dans la région et nous investirons aussi dans la protection de la forêt en Papouasie- Nouvelle-Guinée. Cette stratégie, elle est large, elle est ambitieuse, mais elle nous protège parce qu’elle nous permet d’avoir des alliés que nous respectons et que nous aidons.
Le deuxième axe de cette stratégie Indopacifique aux côtés du climat, c’est la défense. Nos forces armées ici présentes, je sais combien vous y êtes attachés. Vous pouvez les applaudir. Elles sont un socle de notre défense, de la protection de notre territoire, de nos mers, de notre espace aérien. Elles nous permettent d’agir aux côtés de grands alliés et partenaires et elles permettent aussi de former notre jeunesse grâce au SMA qui voit passer tant et tant de jeunes et marquent tant leur histoire et leur destin. Je crois très profondément dans le service militaire adapté : c’est une fierté et nous continuerons de le développer.
Mais je suis venu ici vous dire que dans le cadre de cette stratégie Indopacifique, les forces armées de Nouvelle-Calédonie ont engagé une reconfiguration et que nous allons redoubler d’ambition ici même. D’abord, depuis cinq ans, nous avons commencé à investir. Le nouveau patrouilleur maritime en atteste, et en est déjà la trace. Mais j’ai décidé il y a plusieurs mois, et le ministre, avec le chef de l’état-major des armées, ont proposé une loi de programmation militaire. Elle a été débattue. Vos députés et vos sénateurs qui sont là l’ont défendue. Elle vient d’être votée. J’aurai à la promulguer dans quelques jours.
Cette loi de programmation militaire, elle porte pour la Nouvelle-Calédonie des engagements clairs et forts. Plus de 200 militaires en plus et 18 milliards de francs sur des investissements directs, ici. Elle montre que notre volonté d’indépendance, de souveraineté se joue aussi ici, pour la Nouvelle-Calédonie et la France, unies !
Et au-delà de ces moyens, au-delà des forces armées de Nouvelle-Calédonie, au-delà de ce réinvestissement, de ces femmes et ces hommes qui s’engagent chaque jour avec dévouement, ce que nous voulons faire, c’est rayonner avec des partenaires, c’est leur donner confiance et s’engager avec nous. C’est ça, notre stratégie Indopacifique, avec l’Australie au premier chef, mais avec beaucoup d’autres États de la région. C’est la force des exercices que nous avons menés ces derniers mois ; exercices maritimes que vous avez vus se déployer, peut-être, ces derniers mois, et puis la mission PEGASE 2023, qui a permis à nos Rafale de survoler vos airs, ils étaient à nos côtés encore hier.
Et donc, dans toutes les composantes, nous voulons multiplier les partenariats avec tous les voisins de la région pour les aider à mieux se protéger, protéger leurs eaux, leurs espaces aériens, mais aussi les aider à se former. C’est pourquoi nous allons bâtir une Académie du Pacifique ici-même pour former des militaires de toute la région. Nous avons commencé et nous irons plus loin parce que, par ces forces armées, c’est la crédibilité de notre engagement et c’est la possibilité même de ces partenariats nouveaux. Oui, la France est une puissance indopacifique. Oui, la Nouvelle-Calédonie est un partenaire puissant pour tous les voisins dans la région.
Mes chers compatriotes, voilà ce que je suis venu vous dire aujourd’hui. En cinq ans, nous avons fait beaucoup et nous n’avons pas le droit d’en rester là. Nous n’avons pas le droit d’attendre, de douter de nous ou de tâtonner. Nous devons construire aujourd’hui notre avenir pour les plus jeunes qui sont ici et les générations qui nous succéderont. Alors, forts de ces trois référendums, forts de ce que nous sommes et des décennies passées, ce que je veux avec vous, c’est bâtir ce chemin de pardon et ce chemin d’avenir. Les deux se tressent et sont indissociables.
Il y a cinq ans, à Ouvéa, avec plusieurs d’entre vous, je plantais un cocotier, symbole de paix, pour essayer de montrer combien nous croyons dans l’avenir. Je veux ici, aujourd’hui, sur cette place du même nom, sceller avec vous un pacte. Un pacte engage tout le monde. Un pacte qui doit nous conduire à sortir du face-à-face des uns et des autres. Un pacte de respect et d’ambition. Un pacte de tradition et d’ambition. Un pacte d’enracinement et d’universel, un pacte du pardon et de l’avenir.
Ce pacte de Nouméa que nous scellons aujourd’hui, je m’y engagerai, comme je me suis engagé à vos côtés il y a cinq ans. Et donc, vous me verrez parfois vous presser de décider et de choisir. Je sais que parfois cela vient contrarier le besoin de temps que certains expriment. Je respecterai toujours le temps qu’il faut pour une discussion sincère et loyale, mais il nous faut avancer. Ce pacte, c’est celui qui vous donne et vous donnera la stabilité dans la République et la France, la stabilité pour l’avenir, la force pour demain, en respectant chacun et sans rien abandonner.
Ce pacte d’aujourd’hui, ce pacte de Nouméa, c’est celui qui permet nos rêves, respectant la part singulière de chacun. Ce pacte d’aujourd’hui, c’est celui que nous scellons. Vous pouvez compter sur moi, parce que je sais aussi que je pourrai compter sur vous.
Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la République !
Vive la France !