Une des divergences entre l’Arabie et le Qatar passe par un semblant de démocratie. Mais le Qatar ne pratique pas ce qu’il conseille aux autres et sa crédibilité est remise en question. Est-ce définitif ?
Une nation arabe ou une société islamique mondiale
Avant de quitter le pouvoir l’émir Hamad a réglé pour quelques temps la possibilité d’une élection législative maintes fois promise. Même à la sauce Qatarienne avec une partie de nominations, le fait de mettre en place un contrôle et un lieu de débats aurait permis une différence de taille avec l’Arabie saoudite qui est contre toute notion de démocratie.
Le propos tenu par le roi Fahd d’Arabie Saoudite au journal koweïtien El Sissayah, le 28 mars 1992 est toujours d’actualité : Une démocratie à l’occidentale ne peut être adaptée par l’Arabie Saoudite… Le système démocratique prévalant dans le monde ne convient pas à notre région… Notre pays a une spécificité que nous devons réaliser et le système des élections libres ne lui convient pas. Nous avons notre foi islamique où le système électoral n’a pas droit de cité. (1)
René Naba, évoque l’idée d’une nation arabe dans son article : Egypte : Le rêve fracassé du Califat. « Le Califat est une supercherie lorsque l’on songe à toutes les bases occidentales disséminées dans les monarchies arabes, faisant du Monde arabe la plus importante concentration militaire atlantiste hors des Etats unis. Dans un contexte de soumission à l’ordre hégémonique israélo-américain, le combat contre la présence militaire atlantiste paraît prioritaire à l’instauration d’un califat. Et le califat dans sa version moderne devrait prendre la forme d’une vaste confédération des pays de la ligue arabe avec en additif l’Iran et la Turquie soit 500 millions de personnes, des réserves énergétiques bon marché, une main d’œuvre abondante. En un mot un seuil critique à l’effet de peser sur les relations internationales. Faute d’un tel projet, en présence des bases de l’Otan, le projet de restauration du califat relève d’une supercherie et d’un trafic de religions. »
Le Qatar aurait il trouvé une troisième voie ?
Une légende de plus venue du Qatar me direz-vous ? Mais non, en tout cas dans le propos, l’émir Hamad a fait croire à bon nombre d’experts internationaux la possible existence d’une troisième voie pour accéder à la gestion politique d’un pays musulman de surcroît wahhabite. Cet homme, lorsqu’il était au pouvoir avait quelque chose de « magicien un tantinet illusionniste » mais reconnaissons qu’en 18 ans ce qu’il a fait « tient du miracle » comme dit son fils Tamim.
Je rajouterai que l’édifice Qatar bâti par Hamad a ses bases dans le sable, il est donc d’une certaine fragilité. L’émir Tamim pourtant bien au courant vient de se rendre compte qu’une fois au pouvoir tout peut changer à la vitesse du vent.
Le magicien sorti de la scène, l’illusion disparaît avec lui. Ceux qui réclamaient au Qatar « avec une certaine verve » des élections législatives comme promises viennent de se rendre compte que le Qatar conseille aux pays arabes une certaine démocratie mais que « chez lui » il n’en est pas question.
L’émir Tamim doit se transformer en Houdini de la politique
Heureusement qu’il y a quelques succès économiques car on pourrait entendre d’ici le soufflement de l’émir qui doit se dire « dans quelle galère je me suis fourré ? »
Le voyage en Arabie a permis de négocier une certaine accalmie avec le roi Abdallah, de gérer en face à face la montée en charge de l’Arabie saoudite contre les frères musulmans, mais sans doute aussi d’indiquer que toute la stratégie de l’émir Hamad ne peut pas être totalement remise en question. L’émir Tamim s’il veut exister politiquement doit trouver une voie entre le monde occidental avec qui il veut travailler et son puissant voisin wahhabite. Il lui faut tel Houdini se sortir des pires pièges qui lui sont tendus volontairement ou pas.
Mais ce qui est certain, s’il veut être un exemple, un pays expérimental, il doit relancer les élections législatives, il doit faire ce que sa voix Al Jazeera a dit pendant des mois dans tous les pays du printemps arabe. Il doit libérer le poète, ne pas craindre « cet espace démocratique » qui peut être « contrôlé » dans un pays aux dimensions modestes. Puisqu’il ne croit pas à l’avènement d’une nation arabe à court terme, puisque la société islamique n’est pas pour demain, il lui faut essayer un nouveau miracle démocratique Qatarien.
2 – Renenaba
3 – Photo