L’année 2017 sera pour le Qatar celle des obstacles mis sur sa route.
Pour surmonter les obstacles, fait appel à la raison.
Sénèque se servait volontiers de cette phrase lorsque ses élèves lui demandaient conseils pour triompher d’une épreuve, « pour surmonter les obstacles, fait appel à la raison. »
Dans l’affaire du boycott partiel du Qatar, débuté le 5 juin 2017, et toujours en cours, le quartet qui s’est dressé contre les autorités qatariennes, a plutôt fait preuve, apparemment, plus de passion que de raison. La soudaineté de la crise et l’affichage de revendications, pour l’essentiel impossible à satisfaire, pourrait faire croire à un coup de colère, immédiatement octroyé au jeune dirigeant saoudien, Mohammad bin Salman (MBS). Les mois passant, quelques informations ont démontré que l’affaire était plus complexe qu’un simple coup de sang.
Tout porte à croire que l’organisation de ce boycott partiel (puisque l’exportation des hydrocarbures et dérivés ne sont pas touchés), avait été préparé, voire il dormait dans un carton depuis longtemps. D’aucuns ont même indiqué que les Emirats arabes unis avaient formé des « mercenaires » pour destituer l’émir du Qatar, et d’autres informations en général toutes aussi invérifiables ont été mis sur la place publique pour discréditer l’autre partie. C’est allé loin, il sera difficile de faire table rase des propos avancés.
Pour avoir observé ce conflit dès la première heure, nous retenons quelques idées fortes. En premier lieu, ce conflit couvait depuis un certain temps, en particulier entre l’Arabie saoudite, le Bahreïn et les Emirats arabes unis contre le Qatar. Il pourrait remonter au moins à 1995, au moment où Hamad bin Khalifa destituait son père pour donner une tournure bien plus moderne à son pays. D’autres ont même invoqué un changement de lignée au sein des al Thani lorsque Khalifa bin Hamad al Thani destitue son cousin en 1972.
Probablement cette histoire de lignée ou de modernisme a contribué à exacerber les passions, mais fut maitrisé, notamment par le roi Abdallah d’Arabie saoudite jusqu’à son décès le 23 janvier 2015. Son successeur, le roi Salman a rapidement changé de cap, poussé en cela par son fils préféré Mohammad bin Salman (MBS). Il n’était toutefois toujours pas question de crise avec le Qatar.
En deuxième lieu, deux personnages produisent l’étincelle qui déclenchât le feu. Mohammed ben Zayed (MBZ), éternel prince héritier des Emirats arabes unis et Donald Trump, le nouveau président des USA.
La rancune entre les Emirats arabes unis et le Qatar ne date pas de hier. En 1971, Mohammed ben Zayed (MBZ) a dix ans, il entend la colère des responsables émiratis qui prennent acte que le Qatar refuse de s’associer à la nouvelle entité constituée par la réunion des Emirats arabes unis. Même lorsque Tamim bin Hamad succède à son père en juin 2013, cette animosité ne parvient pas à disparaitre. En outre MBZ a pris sous sa coupe le jeune MBS, 24 ans de différence d’âge, devenu prince héritier saoudien, il lui a inculqué tout le mal qu’il pensait de ses « arrogants qatariens ». Mais cela ne fut pas suffisant pour que MBS rentre en conflit avec le Qatar.
Celui qui mettra la « zizanie entre états frères » s’appelle Donald Trump, le nouveau président des US. Personne de sérieux ne croira que le Qatar a plus financé le terrorisme que ses voisins et pourtant Trump via « Twitter » désigne les autorités qatariennes comme le « mal absolu ». MBZ, MBS et même l’égyptien Al Sissi qui a des comptes personnels à régler avec le Qatar et le petit Bahreïn, totalement inféodé aux saoudiens, déclenchent la crise du 5 juin 2017, laissant pantois les qataris qui, quelques jours auparavant étaient en réunion avec tous ces pays et y compris Trump.
Pour Trump, le terrorisme n’est qu’une la façade, une excuse, il avait un objectif premier, servir aux lobbies la possibilité d’écouler leurs armes. Chose faite, même si au passage, les français touchent aussi une partie du « jackpot ». Il est une théorie qui dit que les armes pourrissent dans des hangars en plein milieu des déserts. La guerre au Yémen nous prouve le contraire pour les saoudiens et les émiratis. Il en sera de même pour le Qatar, lorsque dans les années à venir il disposera d’une centaine d’avions comme les Rafales, F15 et Typhoon. Il s’en servira. Contre qui ? Ce ne sont pas les possibilités qui manquent.
Si Sénèque était avec nous, il trouverait sans doute la bonne formule qui correspond à la situation actuelle. Cette crise dans le Golfe est devenue surtout une affaire « d’ego, d’envies et de désirs, en somme de cœur. C’est donc Blaise Pascal qui aura le dernier mot dans cette conclusion provisoire. « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ».