Les qatariens n’ont pas pris conscience du danger économique qui les guette.

Il est probable que dès 2015 le Qatar soit en déficit budgétaire et cela devrait empirer les deux prochaines années. Au lieu de s’investir massivement dans la gestion du secteur privé et d’accélérer son développement pour rééquilibrer la chute des revenus des hydrocarbures, les qatariens vivotent dans la fonction publique. L’émir Tamim al Thani ou des organismes mobilisateurs comme Qatar Foundation ne sont pas entendus, pourquoi ?

 

L’avenir du Qatar passe d’abord par la mobilisation des qatariens et puis celle des expatriés

Esope disait « aide-toi Dieu t’aidera, aujourd’hui on dit plutôt aide-toi le ciel t’aidera, cette citation est à méditer notamment dans un pays comme le Qatar.

Depuis son intervention devant la Shura fin 2014, pour alerter le Qatar qu’il rentrait dans une zone de turbulences, comme tous les grands producteurs d’hydrocarbures, l’émir du Qatar et des organismes comme Qatar Foundation véritable tête pensante du Qatar, poussent pour que les qatariens s’investissent encore plus dans le secteur privé. Or, à ce jour ils ne sont pas entendus. Au lieu de s’investir massivement dans la gestion du secteur privé et d’accélérer son développement pour rééquilibrer la chute des revenus des hydrocarbures, les qatariens vivotent dans la fonction publique. La crise qui frappe les grands producteurs mondiaux d’hydrocarbures est certes « une difficulté majeure » mais une simulation réelle de ce qui se passera à terme pour un pays comme le Qatar.

Si globalement les qatariens sont environ 250 000 sur 2.4 millions d’habitants, ils ne disposent que d’environ 80 000 personnes ayant l’âge et le vécu nécessaire pour travailler et prendre des responsabilités. Ces chiffres sont évidemment des estimations, car à ce jour pour une raison « obscure » le Qatar ne publie aucun chiffre sur sa population autochtone.

Les 19 000 qatariens qui aujourd’hui sont investis dans le secteur privé ou autres organismes non fonctionnarisés, travaillent d’arrachepied et sont au bord du « burnout. » Les autres qatariens préfèrent la fonction publique et comptent sur des expatriés de haut niveau pour la gestion du pays. Or, comme chacun sait, il n’y a pas d’ouverture sérieuse sur la nationalité qatarienne permettant de s’intégrer, on dira donc que ces expatriés sont des mercenaires fidèles, tant que le Qatar aura les moyens de les payer grassement.

Pour des raisons de politique interne, les dirigeants du Qatar partagent une partie des revenus des hydrocarbures afin de s’assurer une paix sociale. Etre qatarien offre de nombreux avantages, bien plus que dans d’autres pays du Golfe, mais cette assistance de l’Etat n’encourage pas la mobilisation économique. Le changement de mentalité souhaité par la classe dirigeante se heurte aussi à des raisons d’éthique. Le modèle capitaliste et quelques fois ultra libéral entre en confrontation directe avec la tradition tribale des générations anciennes encore en activité et surtout oblige à de grandes contorsions avec la religion d’état du Qatar, le wahhabisme.

Si la tribu al Thani et quelques autres tribus gèrent depuis deux cents ans le Qatar dans une marche effrénée pour coller au monde moderne, depuis 1995 avec l’arrivée au pouvoir de l’émir Hamad, la marche s’est transformée en course et quelque fois en galop. Certains qatariens ne comprennent pas l’objectif à atteindre malgré Vision 2030 et d’autres ne l’acceptent pas, or l’expression publique au Qatar malgré la vie tribale et quasi inexistante. L’émir Hamad qui avait enfin compris l’intérêt de l’organisation d’élections législatives, a été prié d’arrêter le processus à la demande de la nouvelle génération qui a pris le pouvoir. Celle-ci, organisée en mode commando considère cette communication politique comme une perte de temps pour aboutir aux objectifs qu’elle a défini.

Si le temps presse pour la diversification de l’économie qatarienne et le développement de secteurs autres que les hydrocarbures, la motivation de la population dans son ensemble n’est pas au rendez-vous et tant que la ligne actuelle est maintenue, cette motivation ne peut se développer.

Pour avoir enseigné un certain temps la communication, il y a une règle de base qui aujourd’hui n’est pas appliquée au Qatar, c’est de convaincre. La méthode de gestion en mode commando peut se concevoir dans une entreprise pour un temps limité et souvent avec de grandes difficultés, elle est inapplicable pour atteindre des objectifs collectifs dans le cadre d’un pays. Le Qatar n’est pas une grande entreprise mais bien un pays et ses dirigeants l’oublient parfois.