Depuis quelques jours plusieurs médias parlent des distances prises par le Qatar envers le Hamas, que faut-il comprendre ?
L’émir Tamim lâchera-t-il le Hamas donc les Frères Musulmans?
Généralement la compréhension n’est pas donnée immédiatement, mais suppose un acte intermédiaire d’interprétation, en particulier lorsqu’il s’agit de conduites humaines ayant un sens. (Max Weber …)
Le Hamas vient de renforcer ses contacts avec l’Iran, ceux-ci s’étaient un peu distendus au moment où « le Mouvement de la Résistance Islamique » avait quitté la Syrie pour s’installer à Doha au Qatar. D’aucuns espèrent que le « jeune émir du Qatar » aille jusqu’au bout du processus qu’il a entrepris et qu’il rééquilibre ses relations en donnant plus d’importance à la Palestine qu’au Hamas. D’autres plus rêveurs interprètent le départ de quelques chefs du Hamas de Doha, comme un signal positif pour une « cassure » des relations avec le Qatar.
La Charte du Hamas indique clairement qu’il est en tant que « Mouvement de la Résistance Islamique, une aile des Frères Musulmans », quelles sont les marges réelles de l’émir Tamim ? Peut-il lâcher le Hamas et donc les Frères Musulmans ?
La répression comme seul outil pour le futur ?
Si les frères musulmans avaient mis le « grappin » sur l’Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe, en quelques années, par effet de dominos, ils auraient représenté la « seule force du Moyen Orient » avec qui il fallait compter, balayant ainsi le pouvoir de l’Arabie saoudite et sa vision rétrograde du partage des responsabilités. Sommes-nous passés à côté du « grand changement politique » ? L’échec des Frères Musulmans à diriger l’Egypte provoqué en partie par leurs dérives et en partie par ceux qui avaient « peur » pour leur avenir comme les dirigeants de l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Koweït, ne présage pas que le dossier « d’un islam politique » soit clos définitivement.
L’acharnement du trio des pays du Golfe, rejoint par les dirigeants de l’Egypte soumis aux finances de ces derniers, à vouloir « exterminer » les Frères Musulmans est sans doute condamné à l’échec, tout au plus ils vont gagner quelques temps, mais le fond du problème demeure. Sans un espace politique de partage des responsabilités dans la gestion d’un pays, le cycle de la remise en question des dirigeants revient toujours. La répression comme seul outil pour le futur ne peut contenir les idées répandues par « le village le monde ». L’Egypte a déjà montré par le passé qu’il était capable de s’enflammer pour un homme ou pour une cause, c’est juste une question de temps. Le général président Al Sissi n’a pas l’étoffe de ces hommes qui emballent l’histoire de l’Egypte. Le rapprochement actuel du Qatar et de l’Egypte voulu par le trio du Golfe, ne peut être que de circonstance.
L’espoir remplacé par le terrorisme
Le Qatar a soutenu, sans compter le nombre de milliards, « cet évolution vers un islam politique capable de gérer l’intérêt général d’un pays » et le voilà d’un seul coup s’en retourner dans les bras de l’Arabie saoudite !
Depuis 1995, la bataille entre les dirigeants saoudiens et qataris fait rage. Deux hommes se sont affrontés, chacun portant une vision de l’islam, l’actuel roi Abdallah d’Arabie saoudite et l’ancien émir Hamad du Qatar. Non seulement l’émir Hamad n’a jamais cédé un seul pouce de sa vision, mais par des actes il a montré, que pas à pas l’évolution était possible, même si beaucoup restait à faire. Notamment l’émir Hamad, sa femme Scheikha Moza et son premier ministre HBJ avaient inspiré et alimenté « un vent arabe dénommé Printemps », Hamad avait annoncé des élections législatives dans son pays le Qatar. Tout cela ne fut possible que parce qu’une « force politique », les Frères Musulmans étaient organisés dans tout le monde arabe et porteurs de cet élément vital pour les humains, l’espoir. L’espoir est le seul et unique rempart pour combattre l’autre moyen pour changer les pays, le terrorisme religieux pratiqué depuis la nuit des temps.
Le Qatar va-t-il rejoindre le trio « exterminateur » et participer à la chasse « aux Frères Musulmans donc aussi au Hamas » ? Le lien entre les deux entités est clairement décrit et l’émir actuel du Qatar connait le texte : « The Islamic Resistance Movement is one of the wings of the Muslim Brothers in Palestine. The Muslim Brotherhood Movement is a world organization, the largest Islamic Movement in the modern era. It is characterized by a profound understanding, by precise notions and by a complete comprehensiveness of all concepts of Islam in all domains of life: views and beliefs, politics and economics, education and society, jurisprudence and rule, indoctrination and teaching, the arts and publications, the hidden and the evident, and all the other domains of life. »
Le silence assourdissant de l’émir Hamad, de Scheikha Moza et HBJ, transformés de porteurs d’espoirs, en épiciers comptabilisant leur argent, semble assez difficile à comprendre. A moins que convaincus que l’émir Tamim, tel un roseau plie mais ne rompt pas, en attendant que l’histoire qui fait un pas en arrière, reprenne son cours et fasse renaitre l’espoir.