Elle identifie quatre piliers pour renforcer la souveraineté européenne : le financement, la puissance de calcul, l’accès aux données et les talents.
Un plan à 27 milliards d’euros sur cinq ans
Elisabeth Borne, alors Première Ministre, avait mis en place le premier comité de l’intelligence artificielle générative le 19 septembre 2023. Il avait six mois pour présenter des propositions concrètes afin d’adapter la stratégie nationale. Mission remplie : rebaptisé “Commission de l’intelligence artificielle”, il a remis hier à Emmanuel Macron un rapport contenant 25 recommandations pour faire de la France un acteur majeur de la révolution technologique de l’IA.
Co-présidée par Anne Bouverot, Présidente du conseil d’administration de l’ENS et Philippe Aghion, Professeur au Collège de France et économiste, la Commission compte notamment parmi ses membres Luc Julia, expert en IA générative, Yann Le Cun, VP et Chief AI Scientist chez Meta, Arthur Mensch, PDG et cofondateur de Mistral AI et Cédric O, consultant, ancien Secrétaire d’Etat au Numérique.
Dans ce rapport intitulé “IA: Notre ambition pour la France”, la Commission considère “qu’une approche autarcique de la souveraineté n’est pas opportune, ni au regard de nos valeurs ni au regard de nos intérêts. D’une part, la France promeut un cadre ouvert et démocratique de société. D’autre part, il serait techniquement et financièrement impossible de maîtriser l’ensemble des biens et services composant la chaîne de valeur de l’IA“.
Elle identifie quatre piliers pour renforcer la souveraineté européenne : le financement, la puissance de calcul, l’accès aux données et les talents.
Un plan à 27 milliards d’euros sur cinq ans
Les 25 recommandations du plan proposé par la Commission représentent un engagement annuel d’environ 5 Md€ au cours des cinq prochaines années répartis selon cinq grandes catégories :
- l’appropriation collective ;
- la formation et la recherche ;
- le déploiement de l’IA au service des citoyens ;
- les investissements technologiques et industriels ;
- la diffusion de l’IA dans l’économie ;
- la gouvernance française, européenne et mondiale.
Création d’un fonds d’investissement “France & IA” de 10 Mds€
Alors que les financements actuels de l’écosystème de l’IA sont insuffisants pour faire émerger des acteurs de rang mondial, la Commission recommande de réorienter une partie de l’épargne vers l’innovation : “À richesse comparable, nous investissons environ trois ou quatre fois moins que les Américains et l’écart risque d’augmenter. À moyen terme, un accroissement structurel de l’allocation de l’épargne vers l’innovation est indispensable. Des actions volontaristes doivent être rapidement prises en ce sens, par exemple en matière de fiscalité de l’assurance vie, afin de disposer d’ici quelques années d’une capacité de financement significativement accrue”.
A court terme, elle préconise la création d’ici fin 2024 d’un fonds d’investissement baptisé “France & IA”, pour faire émerger des start-ups spécialisées dans l’IA appliquée et accélérer la transformation du tissu économique de PME et ETI. Il mobiliserait 7 Md€ de capital investissement d’entreprise et 3 Md€ de soutien public
Repenser la gouvernance de la donnée
Pour tirer pleinement parti des bénéfices de l’IA générative, la Commission estime essentiel de :
- Faciliter l’accès aux données personnelles : elle propose de simplifier les procédures d’autorisation préalable d’accès aux données de santé et de réduire les délais de réponse de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Dans ce but, elle suggère une réforme du mandat de la CNIL pour inclure un objectif d’innovation, de réviser la composition de son collège et de renforcer ses moyens ;
- Appliquer le principe de transparence des données d’entraînement : La commission souligne l’importance de garantir la transparence des données d’entraînement des grands modèles d’IA pour respecter le droit de la propriété littéraire et artistique. Des standards pour la publication des informations sur les modèles d’IA et la mise en œuvre du droit de retrait sont recommandés pour simplifier ce processus ;
- Concevoir une nouvelle gestion collective des données : Pour la Commission, il est nécessaire d’explorer de nouveaux modèles de gouvernance commune des données, sans pour autant affaiblir la protection des individus.
Faire de la France un pôle majeur de la puissance de calcul
Les datacenters et les supercalculateurs sont les piliers technologiques sur lesquels repose l’IA générative. Sans ces infrastructures massives et performantes, il serait impossible de réaliser les avancées aujourd’hui dans ce domaine.
Pour la Commission, la France et l’Europe doivent impérativement devenir un pôle majeur de la puissance de calcul pour :
- fournir une puissance de calcul publique pour les cas d’usage sensibles ;
- fournir une puissance de calcul accessible et abordable pour stimuler la recherche et le développement des start-ups en IA ;
- être en mesure d’entraîner et d’utiliser sur le sol européen les modèles d’IA les plus avancés.
Elle propose d’accélérer le développement de supercalculateurs exascales français et européens, d’initier des achats groupés pour renforcer l’écosystème de la puissance de calcul et de favoriser l’implantation de centres de calcul en Europe. Elle recommande également la mise en place d’un crédit d’impôt pour soutenir les projets de R&D utilisant la puissance de calcul des centres de calcul établis sur le territoire.
On trouve parmi les autres recommandations prioritaires:
- Assurer le rayonnement de la culture française en permettant l’accès aux contenus culturels dans le respect des droits de propriété intellectuelle ;
- Assumer le principe d’une expérimentation dans la recherche publique en IA pour en renforcer l’attractivité ;
- Structurer une initiative diplomatique cohérente et concrète visant la fondation d’une gouvernance mondiale de l’IA.
Le 14 mars 2024, par Marie-Claude Benoit.