Le 03 août, la MINUSMA a officiellement remis la base d’Ogossagou aux autorités maliennes, avant de quitter la localité dans le cadre de la première phase de son retrait du Mali qui concerne la fermeture en ce mois d’août de ses bases périphériques d’Ogossagou, Ber, Goundam et Ménaka.
Communiqué MINUSMA du 8 août 2023
Ogossagou, localité du cercle de Bankass composée de deux villages dogon et peulh, est devenu un symbole de coexistence retrouvée. En 2019, ce cercle dans le centre du Mali a été le théâtre de tensions et de violences intercommunautaires qui ont provoqué des tueries le 23 mars 2019 et le 14 février 2020, faisant près de 200 victimes civiles. Pour éviter que de telles atrocités ne se reproduisent et promouvoir la réconciliation entre les communautés, la MINUSMA a décidé d’installer entre les deux villages une base militaire temporaire, ou TOB pour Temporary Operations Base en anglais. Son objectif était aussi de garantir la libre circulation des personnes et des biens dans ces localités. Il permettait aussi la reprise des activités agricoles et pastorales, l’exploitation et l’utilisation des ressources naturelles ainsi que l’accès aux marchés, aux centres de santé et autres services sociaux de base.
Dès leur déploiement dans la localité les soldats de la paix ont travaillé au rétablissement de la sécurité dans 12 villages peulhs et dogons, tout en contribuant à leur protection. Les populations aussi bien dogons que peulhs ont manifesté une confiance à l’égard des Casques bleus, si bien qu’elles priaient.
Pour Amadou TOGO, représentant les Dogons d’Ogossagou, « la présence de la MINUSMA a apaisé la situation entre les communautés. On a beaucoup profité de cette présence. On a tous regretté ces violences qui nous avaient opposés. On a envie que la paix soit restaurée complètement ». Même son de cloche du côté du représentant de la communauté peuhl, Mamoud BARRY pour qui « la MINUSMA a fait de son mieux et nous la remercions pour le bon travail accompli. Les casques bleus nous ont aidé avec la sécurité, l’alimentation et la santé. Nous sommes affectés pas de leur départ ».
La base installée au cœur des villages en mars 2020 a ouvert la voie à des séances de dialogues et de négociations intercommunautaires, ainsi que des activités de rétablissement de la confiance en collaboration avec l’Equipe Régionale d’Appui à la réconciliation (ERAR).
Une réussite historique
Les violences survenues en 2019 et 2020, raisons principales de l’installation de la Base temporaire ont été contenues au cours de ces trois dernières années, tout au long de la présence des Casques bleus dans la localité. « Une fierté » pour le Capitaine Mamadou NIANG, dernier Commandant de la base, qui s’apprête à quitter le village avec « la satisfaction d’avoir participer à y installer une paix durable ».
En effet, la base d’Ogossagou a joué un rôle essentiel en tant que lieu de rencontre et d’échanges dans les efforts de réconciliation de ces communautés. Elle a aussi grandement contribué à la protection des populations et à l’atténuation des violences. Pendant trois années consécutives, elle a été le cadre d’élaboration d’un accord local signé le 8 octobre 2021. Cet accord qui impliquait les 12 villages environnants a jeté les bases de la réconciliation et du retour du vivre ensemble entre les communautés sœurs sous la protection de la MINUSMA à travers la base, occupée jusque-là par les Casques bleus sénégalais.
Quelques mois après la signature de l’accord, Allaye GUINDO, Maire de la commune de Bankass, exprimait son optimisme quant aux perspectives de réconciliation en ces termes : « Le tissu social va peut-être se recoudre peu à peu. En prenant le cas spécifique de Ogossagou, c’est grâce aux financements de la MINUSMA que beaucoup de rencontres d’échanges ont été faites. C’était pour sonder, voir comment les Dogons et les Peulhs pouvaient se fréquenter. À la fin, on a même signé un accord entre les Dogons et les Peulhs d’Ogossagou et les villages environnants. Et on verra au fil du temps comment la situation va évoluer ».
Un aspect essentiel de cet accord était la dénonciation de toute forme de violence. Il préconisait plutôt le recours aux mécanismes locaux de résolution des conflits, tels que les Comités Communaux de Réconciliation (CCR) et les Commissions foncières (CoFo). Cela témoignait d’une volonté collective de favoriser un processus de paix durable, ancré dans les réalités socio-économiques locales.
L’engagement de la MINUSMA dans le financement de ces rencontres et la facilitation du dialogue entre les communautés a été un élément crucial pour la construction d’un climat de confiance propice à la réconciliation. La présence des Casques bleus a démontré qu’elle pouvait être bien plus qu’une base militaire en devenant un catalyseur pour le retour de la paix et du vivre-ensemble entre les communautés du cercle de Bankass. Le dialogue collectif entre les villages d’Ogossagou et dix autres villages dogons et peulhs dans les communes de Bankass et Dimbal en est la preuve. Facilités par les autorités nationales et l’ERAR, toutes ces rencontres et échanges ont eu lieu à la TOB.
Des réalisations pour soutenir le processus de réconciliation
Le 8 octobre 2022 au premier anniversaire de cet accord, une équipe de la MINUSMA s’était rendue sur place pour constater la mise en œuvre et y inclure davantage les femmes. Au sortir de ce dialogue et pour soutenir l’élan de réconciliation, un projet de maraichage destiné aux femmes des deux communautés a été mis en place. L’objectif était de favoriser un climat social permettant à ces femmes de travailler à nouveau côte-à-côte, la main dans la main, pour leur résilience économique et la promotion du vivre ensemble. Démarche participative et inclusive, la mise en œuvre de ce projet a fait l’objet de consensus entre les parties, comme le révèle le choix de sa zone d’implantation. Outre la réconciliation, l’initiative a visé également à renforcer le rôle des femmes et des jeunes dans la société comme leaders de la paix et de cohésion sociale. Au-delà d’Ogossagou et du cercle de Bankas, au centre du Mali, la MINUSMA a mené des sessions de formation pour les médiateurs locaux, des dialogues communautaires, des initiatives de solidarité locales et des ateliers de renforcement des capacités pour réduire les tensions sociales.
Par ailleurs, il faut également souligner que l’établissement du camp a favorisé des rapports fraternels et de camaraderie entre les Forces armées maliennes et les Casques bleus. Bien vrai que le détachement de casques bleus n’ait jamais effectué d’opérations conjointes avec les FAMa, il n’en demeure pas moins qu’il existe une réelle synergie entre les deux entités à travers des actions de facilitation de la traversée de villages hostiles le long de la Route Nationale 15 mais surtout, dans le domaine du renseignement. In fine, cette structure de la MINUSMA a permis de réduire drastiquement les cas de violence enregistrés mais aussi de « gagner les cœurs et les esprits » des populations.
Des cœurs et des esprits apaisés
Lors de la cérémonie de la remise de la base d’Ogossagou aux autorités locales, le préfet du Cercle de Bankass, représentant le Gouverneur de la région de Bandiagara, le Colonel Aliou SIDIBÉ, n’a pas manqué de témoigner son satisfecit vis-à-vis de la collaboration avec le contingent sénégalais. « Aujourd’hui est un grand jour pour le peuple malien, les autorités et la MINUSMA, on est tous contents. On a mal au cœur, par ce qu’en tant que Maliens on est un peuple de fraternité, on est une terre d’accueil. Quelle que soit la situation, quel que soit le rôle de la MINUSMA ou des FAMa, on a tous collaboré à un moment ensemble. On a eu des frères sénégalais et on a mal au cœur de les laisser partir. Vous avez fait beaucoup pour nos communautés, pour le peuple malien on ne vous remerciera jamais assez. Je vous remercie au nom de toutes les autorités, du Gouverneur, du Commandant de Zone, le Commandant de théâtre, de tous les militaires maliens et en mon nom propre. Merci, merci, merci et bon retour chez vous ».
Au moment où cette base au même titre que la Mission entame son retrait, Solange Akouba USHER du Bureau régional de Mopti, souligne son importance. « À Ogossagou, ce que nous avons accompli a impacté positivement les communautés sur le plan sécuritaire. De concert avec les autorités locales, nous avons pu assoir une base pour une cohabitation pacifique entre les communautés. Le facteur déterminant a été l’approche communautaire pour favoriser leur protection. Il y a eu des jours faciles et des jours moins faciles, car la paix ne se construit pas en un seul jour. La cohésion et le vivre ensemble est un processus donc un travail à moyen et long terme ».