Le site, qui s’est lancé dans une violente campagne contre les adversaires du Qatar et des Frères musulmans, met en cause, sans raison apparente, l’entrepreneur Jean-Pierre Marongiu, injustement emprisonné par l’émirat gazier, de 2013 à 2018.
Nous publions un article de Ian Hamel à propos de notre ami Marongiu
Le 13 juin dernier, France 3 Grand Est consacre un grand article à l’occasion du décès, à l’âge de 66 ans, de Jean-Pierre Marongiu à l’hôpital de Metz des suites d’une longue maladie. La télévision rappelle que cet ingénieur avait créé en 2005 un centre de formation au Qatar. La loi l’oblige à s’associer à un ressortissant local. Alors qu’il a investi 3,5 millions d’euros dans sa société, Pro & Sys, en 2013, son sponsor qatari, lié à l’émir, veut lui racheter ses parts pour… 0,25 euro.
Jean-Pierre Marongiu ne se laisse pas déposséder sans résister. Mais pour le faire plier, le pouvoir judiciaire de Doha le poursuit pour chèques sans provision. L’ingénieur français va finalement croupir près de cinq ans dans les prisons insalubres de l’émirat. Très exactement 1 744 jours. Il est finalement libéré en juillet 2018. Alors que Jean-Pierre Marongiu avait été président de l’association des Français du Qatar, les autorités tricolores se sont bien gardées de le secourir, en raison, sans doute, de juteux contrats que Paris pensait signer avec l’émirat gazier.
« Les autorités qataries démentent »
Le 13 juillet 2023, un mois exactement après la disparition de Jean-Pierre Marongiu, le site Mediapart met en doute la version de l’entrepreneur sur ses ennuis au Qatar : « Il [Jean-Pierre Marongiu] affirme avoir été piégé par son partenaire local et accusé à tort alors qu’il avait tout perdu », écrit-il. Par ailleurs, alors qu’il était prisonnier à Doha, Jean-Pierre avait pu révéler dans l’hebdomadaire « Le Point » en octobre 2017 que « plusieurs membres de la famille royale qatarie sont emprisonnés avec lui ». Au lieu de préciser que cette information a été largement confirmée, Mediapart se contente d’écrire : « Les autorités qataries démentent » (1).
Le site écrit ensuite : « Nous n’avons pas pu interroger Jean-Pierre Marongiu, décédé le 13 juin 2023 pendant notre enquête. Son éditeur ne nous a pas répondu ». Or, Jean-Laurent Poitevin, fondateur et président des éditions Les Nouveaux Auteurs, chez qui l’ancien prisonnier a publié plusieurs ouvrages, se montre catégorique : « C’est faux, Mediapart n’a jamais cherché à me contacter ». Quant à Isabelle Marongiu, la veuve de Jean-Pierre Marongiu, elle est indignée : « Mediapart l’attaque alors qu’il n’est plus là et qu’il ne peut plus se défendre… ». De plus, le site ne dit pas tout à fait la vérité : son enquête a été lancée dès le début de l’année 2023. Il aurait pu interroger l’ancien détenu.
Sortir un espion de sa poche
Récemment, Mediapart s’en est violemment pris à la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, auteur de l’ouvrage « Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête », en écrivant que ses travaux étaient « déconsidérés » et que « son entourage sulfureux interroge ». Le média, dirigé par Edwy Plenel, est entré dans une croisade contre tous ceux qui osent critiquer le Qatar. Apparemment, cela ne leur suffisait pas de mettre en doute la parole de Jean-Pierre Marongiu, il fallait aussi prétendre qu’il n’est pas l’auteur de ses livres…
Le 29 juin 2023, Yann Philippin, rédacteur à Mediapart, écrit dans un mail destiné au journaliste Ian Hamel : « Quel rôle avez-vous joué dans la conception, l’écriture et la promotion du livre “InQarcéré“ de Jean-Pierre Marongiu ? » Il ajoute : « Comment expliquez-vous que des employés d’Alp services affirment avoir reçu par vous des versions non définitives du livre ? ». Le 6 juillet 2023, Ian Hamel dément, évoquant des « informations totalement erronées ». Il ajoute que Jean-Pierre Marongiu est bien assez grand pour écrire ses livres tout seul. D’ailleurs, n’en a-t-il pas rédigé et publié d’autres ? Notamment « Qaptif ! Un Français, otage du Qatar » et « Aussi noire que soit ma nuit, je reviendrai vers toi ». De plus, Ian Hamel n’a jamais été salarié de Alp services, une société à Genève spécialisée dans l’intelligence économique, comme le prétend Mediapart.
Marongiu n’écrirait pas ses livres
« C’est hallucinant de prétendre que Jean-Pierre Marongiu n’est pas l’auteur de ses livres. Je peux raconter dans le détail comment il a pu faire sortir de prison ses écrits, contenus dans de petits cahiers », proteste son éditeur. Prenant conscience que ses accusations ne sont pas crédibles, Mediapart change de stratégie. Plutôt que d’accuser l’ingénieur Jean-Pierre Marongiu de ne pas savoir écrire, le site va, quelques jours plus tard, lui trouver des liens avec… le Sheikh Matar, un espion des Émirats arabes unis, qui coordonnerait, toujours selon le site, « les opérations barbouzades d’Abou Dhabi en Europe ».
Toujours selon Mediapart, le fameux Sheikh Matar aurait validé un plan de bataille qui consiste à « donner un maximum d’écho au livre « InQarcéré », et faire de Jean-Pierre Marongiu un « militant crédible des droits de l’homme contre le Qatar ». Seul petit problème, à aucun moment dans sa série d’articles intitulés « Abu Dhabi Secrets », Mediapart n’a pu prouver le moindre contact entre Marongiu et les Émirats.
Tenter de discréditer un mort
Pour mieux noircir le tableau, Mediapart assure que l’ancien prisonnier aurait perçu de l’argent aux origines douteuses… De nouvelles accusations qui indignent Isabelle Marongiu : « Jean-Pierre me disait très souvent être surpris que, depuis son retour des prisons qataris, aucun sbire ni Cerbère à la botte du Qatar ne s’en prennent à lui d’une façon ou d’une autre. C’est chose faite. Ils ont attendu qu’il meure pour faire une lamentable tentative de discréditation. Mediapart n’a honte de rien. Pourtant ils devraient ! », lâche cette femme qui a vécu huit ans dans l’émirat.
Manifestation devant l’ambassade du Qatar à Paris pour la libération de JP Marongiu
Le grand reporter Emmanuel Razavi a connu Jean-Pierre Marongiu. Et surtout, il a enquêté sur son histoire pour France 3. Il confirme qu’à son retour de captivité, ce dernier vivait dans une grande pauvreté en France. « Je ne comprends pas ce genre d’articles, si ce n’est pour discréditer gratuitement des gens. C’est si facile de s’en prendre aux morts ! », commente ce spécialiste du Moyen-Orient.
- Clément Fayol, Yann Philippin, Antton Rouget et Antoine Harari, « ONU, Qatar, Macron : les opérations secrètes du Sheikh Matar, agent des émirats » ; Mediapart, 13 juillet 2023.