Alors que 2022 s’est achevée sur fond de crispation sociale, que nous réservent les premiers mois de 2023 ? Réforme des retraites, rémunérations, formation professionnelle ou encore transition écologique… “Syndicalisme Hebdo” fait le point.
Publié le 03/01/2023
Elle est dans tous les esprits. La réforme des retraites sera finalement détaillée le 10 janvier par Élisabeth Borne, après d’ultimes consultations à Matignon à compter du 3 janvier. Le projet de loi, lui, devrait être présenté en Conseil des ministres dans les semaines qui suivent. De leur côté, syndicats et organisations de jeunesse se disent « prêts et déterminés ». Tous se réuniront dans la foulée de l’annonce de la réforme en vue de construire « une réponse commune de mobilisation interprofessionnelle, dès le mois de janvier », peut-on lire dans la déclaration intersyndicale du 13 décembre (lire le PDF téléchargeable en fin d’article). Dans un contexte social et économique particulièrement difficile pour une partie croissante de la population, le gouvernement tiendra-t-il (enfin) compte des revendications portées par les organisations syndicales lors de la concertation ? Ou s’entêtera-t-il dans une approche purement financière, au risque de porter la responsabilité d’un conflit social majeur ?
Chômage, le gouvernement fait machine arrière
Au nom d’une politique du plein-emploi qui voudrait que les chômeurs n’aient qu’à « traverser la rue » pour trouver du travail, le gouvernement a voulu, une nouvelle fois, s’attaquer aux demandeurs d’emploi. Dans un projet de décret transmis pour consultation aux partenaires sociaux à la veille de Noël, une disposition surprise prévoyait une réduction de 40 % de la durée d’indemnisation si d’aventure le taux de chômage passait en dessous des 6 %1.
Face à la fronde des organisations syndicales et de l’opposition – la CFDT dénonçant notamment la « déloyauté du gouvernement » –, la Première ministre a choisi de faire machine arrière sur ce deuxième niveau de modulation. « Nous allons retirer ce point, et nous remettrons ce sujet dans la concertation sur les futures règles, » a annoncé Elisabeth Borne le 3 janvier au micro de France Info.
En l’état actuel, il y avait peu de chances que le taux de chômage passe sous la barre des 6 % d’ici à la fin 2023 – date à laquelle le décret prendra fin et à partir de laquelle les partenaires sociaux se retrouveront afin de négocier une nouvelle définition des règles d’indemnisation. Pour l’exécutif, il s’agissait surtout d’acter l’idée d’une durée d’indemnisation réduite en période de plein-emploi et d’entériner le principe de contracyclicité comme base de discussion à l’avenir.
France Travail : le chantier rocambolesque de 2023
Annoncé en pleine campagne présidentielle, le chantier de transformation du service public de l’emploi doit se concrétiser en 2023. Une ultime réunion des parties prenantes de la mission de préfiguration se tient ce 3 janvier, en amont de laquelle le ministère du Travail a transmis ses premières pistes dans un document de restitution. « L’accompagnement des conseillers et autres professionnels sera un facteur clé de réussite du projet France Travail », peut-on y lire. Pour favoriser une culture de travail partagée, « un parcours d’acculturation à France Travail et des formations à la connaissance des publics, la conduite des entretiens […] et l’accompagnement des publics » est envisagée pour les 120 000 professionnels concernés par ce grand chantier.
Mi-décembre, l’exécutif a dévoilé la liste des dix-neuf territoires (dix-huit départements et la métropole de Lyon) retenus pour expérimenter sa réforme du RSA. Dans les faits, il s’agit de tester de nouvelles modalités de prise en charge et d’accompagnement des allocataires. Le versement du revenu de solidarité active devrait être à l’avenir conditionné à la réalisation de 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire obligatoires. Expérimentée dans les territoires retenus en 2023, la mesure pourrait être généralisée à l’ensemble du territoire en 2024.
Formation professionnelle : vers une nouvelle loi en 2023 ?
Si le gouvernement annonce bien une nouvelle loi sur la formation professionnelle pour 2023, il ne devrait pas s’agir d’une grande loi qui bouleverserait le système actuel mais plutôt d’un texte qui viendrait compléter la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Bien que son contenu reste, à ce stade, relativement flou, cinq sujets sont aujourd’hui mis en avant et devraient être impactés plus ou moins directement par cette nouvelle loi : l’apprentissage, le compte personnel de formation (CPF), la validation des acquis de l’expérience (VAE), les transitions professionnelles et l’illettrisme. L’objectif affiché est de simplifier les dispositifs afin que les salariés, les demandeurs d’emploi ou encore les jeunes en formation initiale puissent y avoir davantage recours. L’apprentissage est notamment mis en avant avec un objectif d’un million de contrats fin 2022.
Sur l’ensemble de ces sujets, le gouvernement promet une concertation en amont en début d’année, mais la décision prise unilatéralement en décembre 2022 d’instaurer un reste à charge pour les salariés qui utiliseraient leur CPF a de quoi inquiéter les partenaires sociaux quant à la volonté de l’exécutif de jouer le jeu de la concertation.
Partage de la valeur, des propositions attendues fin janvier
Il ne reste qu’un mois aux partenaires sociaux pour conclure la négociation interprofessionnelle relative au partage de la valeur, lancée en novembre dernier à la demande du gouvernement. L’exécutif, dans une lettre de cadrage, a délimité un périmètre strict de négociation… qui laisse de côté la reconnaissance du travail, des compétences et donc du salaire, estime la CFDT. Celle-ci souhaite évoquer la négociation salariale dans les branches, négocier la généralisation de la participation à l’ensemble des entreprises, simplifier la formule de calcul de la participation et interdire la distribution de dividendes lorsque l’entreprise ne verse aucune participation et/ou intéressement à ses salariés. Au terme d’une quatrième séance, le 20 décembre dernier, le patronat a transmis un premier document de travail aux organisations syndicales. Syndicats et patronat se retrouveront donc le 6 janvier pour poursuivre les discussions.
La concertation sur la transition écologique se poursuit
Les partenaires sociaux s’étaient donnés jusqu’à la fin de 2022 pour finaliser la concertation (entamée le 8 juillet) visant à faire avancer la transition écologique dans l’entreprise. Il leur faudra finalement se préparer à quelques séances supplémentaires, au début de cette année 2023. Les premiers mois de discussion ont déjà permis d’affiner le diagnostic et d’obtenir un consensus sur le rôle prépondérant des entreprises en matière de transition écologique et sur la place du dialogue social ; la publication d’un document partagé sur les plans de sobriété ; la réalisation d’un état des lieux des leviers juridiques disponibles. Alors que le patronat se contenterait d’un guide de bonnes pratiques, la CFDT veut aller plus loin avec la mise en place d’un document opérationnel. « Il reste encore à brancher les bons leviers aux bons espaces de dialogue social ; et ce, à tous les niveaux – entreprise, branche, filière, territoire, etc. », indique Luc Mathieu, chef de file CFDT.