Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église est un document rédigé en 2004 par le cardinal Martino, président du conseil pontifical Justice et Paix.
Les points fondamentaux de la doctrine sociale catholique
Angelo Card. Sodano, Secrétaire d’État
Monsieur le Cardinal,
Au cours de son histoire et, en particulier, ces cent dernières années, l’Église n’a jamais renoncé — selon les paroles du Pape Léon XIII — à dire « le mot qui lui revient » sur les questions de la vie sociale. Continuant à élaborer et à actualiser le riche héritage de la doctrine sociale catholique, le Pape Jean-Paul II a publié, pour sa part, trois grandes encycliques — Laborem exercens, Sollicitudo rei socialis et Centesimus annus —, qui constituent des étapes fondamentales de la pensée catholique en la matière. Pour leur part, de nombreux évêques, dans chaque partie du monde, ont contribué ces derniers temps à approfondir la doctrine sociale de l’Église. Tout comme l’ont fait de nombreux spécialistes, sur chaque continent.
1. Il était donc souhaitable de pourvoir à la rédaction d’un compendium de toute la matière, en présentant d’une manière systématique les points fondamentaux de la doctrine sociale catholique. C’est de cela que s’est chargé de façon très louable le Conseil Pontifical « Justice et Paix », consacrant à cette initiative un travail intense durant ces dernières années.
Par conséquent, je suis heureux de la publication de l’ouvrage intitulé Compendium de la doctrine sociale de l’Église, partageant avec vous la joie de l’offrir aux croyants et à tous les hommes de bonne volonté, comme aliment de croissance humaine et spirituelle, personnelle et communautaire.
2. Cette œuvre montre que la doctrine sociale catholique a également valeur d’instrument d’évangélisation (cf. Centesimus annus, 54), car elle met en relation la personne humaine et la société à la lumière de l’Évangile. Les principes de la doctrine sociale de l’Église, qui reposent sur la loi naturelle, sont en outre confirmés et mis en valeur, dans la foi de l’Église, par l’Évangile du Christ.
Dans cette lumière, l’homme est avant tout invité à se découvrir comme être transcendant, dans chaque dimension de la vie, y compris celle qui est liée aux contextes sociaux, économiques et politiques. La foi conduit à sa plénitude la signification de la famille; fondée sur le mariage entre un homme et une femme, elle constitue la cellule première et vitale de la société. En outre, elle éclaire la dignité du travail qui, en tant qu’activité de l’homme destinée à sa réalisation, a la priorité sur le capital et constitue un titre de participation aux fruits qui en découlent.
3. Ce texte fait également ressortir l’importance des valeurs morales, fondées sur la loi naturelle inscrite dans la conscience de chaque être humain, qui est donc tenu à la reconnaître et à la respecter. L’humanité demande aujourd’hui davantage de justice pour affronter le vaste phénomène de la mondialisation; elle se soucie vivement de l’écologie et d’une gestion correcte des affaires publiques; elle ressent la nécessité de sauvegarder la conscience nationale, sans toutefois perdre de vue le chemin du droit et la conscience de l’unité de la famille humaine. Le monde du travail, profondément modifié par les conquêtes technologiques modernes, connaît des niveaux de qualité extraordinaires, mais doit hélas enregistrer aussi des formes inédites de précarité, d’exploitation et même d’esclavage, au sein même des sociétés dites opulentes. En différents lieux de la planète, le niveau de bien-être continue à croître, mais le nombre des nouveaux pauvres augmente de façon menaçante et, pour diverses raisons, le fossé entre les pays moins développés et les pays riches s’élargit. Le marché libre, processus économique qui comporte des côtés positifs, manifeste toutefois ses limites. Par ailleurs, l’amour préférentiel pour les pauvres représente un choix fondamental de l’Église, qu’elle propose à tous les hommes de bonne volonté.
Voilà pourquoi l’Église ne peut pas cesser de faire entendre sa voix sur les res novae, typiques de l’époque moderne, car il lui revient d’inviter tous et chacun à se prodiguer pour que s’affirme toujours davantage une civilisation authentique orientée vers la recherche d’un développement humain intégral et solidaire.
4. Les questions culturelles et sociales actuelles concernent surtout les fidèles laïcs, appelés, comme le rappelle le Concile Œcuménique Vatican II, à gérer les choses temporelles en les ordonnant selon Dieu (cf. Lumen gentium, 31). On comprend donc bien l’importance fondamentale de la formation des laïcs, pour qu’ils contribuent au progrès de l’humanité, par la sainteté de leur vie et par la force de leur témoignage. Ce document entend les aider dans leur mission quotidienne.
Il est intéressant, par ailleurs, de remarquer que de nombreux éléments recueillis ici sont partagés par les autres Églises et Communautés ecclésiales, ainsi que par d’autres religions. Le texte a été élaboré de façon à servir non seulement ad intra, c’est-à-dire parmi les catholiques, mais aussi ad extra. De fait, les frères qui ont en commun avec nous le même Baptême, les disciples d’autres religions et tous les hommes de bonne volonté peuvent y trouver des occasions fécondes de réflexion et une impulsion commune pour le développement intégral de tout homme et de tout l’homme.
5. Tout en souhaitant que ce document aide l’humanité dans sa recherche active du bien commun, le Saint-Père invoque les bénédictions de Dieu sur ceux qui prendront le temps de réfléchir aux enseignements de la présente publication. En formulant aussi mes vœux personnels de succès pour cette œuvre, je félicite votre Éminence et les collaborateurs du Conseil Pontifical « Justice et Paix » pour l’important travail accompli, et vous prie de croire à mes sentiments très dévoués dans le Seigneur.
Cité du Vatican, 2 avril 2004, Mémoire de Saint François de Paule. Renato Raffaele Card. Martino
PRÉSENTATION
Je suis heureux de présenter le document intitulé Compendium de la doctrine sociale de l’Église, élaboré à la demande du Pape Jean-Paul II, pour exposer de manière synthétique, mais exhaustive, l’enseignement social de l’Église.
Transformer la réalité sociale par la force de l’Évangile, témoignée par des femmes et des hommes fidèles à Jésus-Christ, a toujours été un défi et le demeure aujourd’hui encore, au début du troisième millénaire de l’ère chrétienne. L’annonce de Jésus-Christ, « bonne nouvelle » de salut, d’amour, de justice et de paix, ne trouve pas facilement accueil dans le monde d’aujourd’hui, encore dévasté par les guerres, la misère et les injustices. C’est précisément pour cela que l’homme de notre temps a plus besoin que jamais de l’Évangile: de la foi qui sauve, de l’espérance qui éclaire et de la charité qui aime.
L’Église, experte en humanité, dans l’attente à la fois confiante et agissante, continue de regarder vers les « cieux nouveaux » et la « terre nouvelle » (2 P 3, 13) et de les indiquer à chaque homme, pour l’aider à vivre sa vie dans la dimension du sens authentique. « Gloria Dei vivens homo »: l’homme qui vit en plénitude sa dignité rend gloire à Dieu, qui la lui a donnée.
La lecture de ces pages est avant tout proposée pour soutenir et inciter l’action des chrétiens dans le domaine social, en particulier des fidèles laïcs, dont c’est le milieu spécifique; toute leur vie doit être une œuvre féconde d’évangélisation. Tout croyant doit apprendre avant tout à obéir au Seigneur avec la force de la foi, à l’exemple de saint Pierre: « Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets » (Lc 5, 5). Tout lecteur de « bonne volonté » pourra connaître les motifs qui poussent l’Église à intervenir avec une doctrine dans le domaine social qui, à première vue, ne semble pas relever de sa compétence, ainsi que les raisons d’une rencontre, d’un dialogue, d’une collaboration pour servir le bien commun.
Mon prédécesseur, le regretté et vénéré Cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân, guida savamment, avec constance et prévoyance, la phase préparatoire fort complexe de ce document; la maladie l’a empêché de la conclure par sa publication. Cette œuvre qui m’a été confiée et qui est maintenant remise aux lecteurs, porte donc le sceau d’un grand témoin de la Croix, fort dans la foi lors des terribles années sombres du Viêt-Nam. Il saura accueillir notre gratitude pour son précieux travail, dispensé avec amour et dévouement, et bénir tous ceux qui s’attarderont à réfléchir sur ces pages.
J’invoque l’intercession de saint Joseph, Gardien du Rédempteur et Époux de la Bienheureuse Vierge Marie, Patron de l’Église universelle et du travail, afin que ce texte puisse porter des fruits abondants dans la vie sociale comme instrument d’annonce évangélique, de justice et de paix.