Voici le communiqué de presse du syndicat de la magistrature à l’occasion de la manifestation organisée par différents syndicats de police avec la présence de ministres et hommes politiques.
Premiers flics de France
Cet après-midi, ministres et élus de tous bords se presseront à une manifestation organisée par différents syndicats de police, qui font part depuis quinze jours de leur exaspération face à une justice qui ferait quotidiennement la démonstration de son laxisme et de son inconséquence – dénoncée encore dernièrement dans l’affaire de Viry-Châtillon, dont la qualité́ et la sincérité́ des investigations menées méritaient bien, outre des protestations outrées devant les acquittements intervenus, le soutien du Directeur général de la police nationale.
La revendication principale exprimée dans le communiqué intersyndical appelant à cette manifestation est celle de peines planchers pour les agresseurs des forces de l’ordre, ainsi qu’un « changement de logiciel » par rapport à « l’orientation prise pour l’individualisation des peines et l’érosion de celles qui sont prononcées ».
S’engouffrer dans l’instrumentalisation des drames récemment vécus par deux fonctionnaires de police est bien commode pour nos élus et ministres : ils espèrent ainsi faire oublier le renoncement des gouvernements qui se sont succédés à faire des forces de l’ordre de véritables agents de la paix publique, et à améliorer leurs conditions de travail et leur formation.
Le courage politique et surtout le sang-froid démocratique de ces responsables politiques méritent d’être salués : il eût été́ peu stratégique, alors qu’il est temps de battre campagne, de ne pas être aux côtés de ceux qui représentent les agents de la force publique – quitte à avaliser la démonstration de force – et du côté́ de la belle unanimité́ qui se forme pour accuser ceux qui appliquent les lois votées années après années. Cela ne coûte pas cher, le prix à payer étant seulement de reléguer toujours un peu plus loin le principe de la séparation des pouvoirs, devenu si suranné́ en ces temps fébriles.
La concurrence est rude, pour obtenir le label de premier flic de France mais le nouvel horizon que dessinent nos ministres et élus en participant à cette manifestation et en s’associant ainsi aux revendications policières, est celui d’une société́ dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d’être une force publique au service des citoyens, dictant à l’exécutif la définition de la politique pénale, au parlement le contenu des lois, et revendiquant une indispensable impunité́ pour elle-même – puisqu’elle est la seule à pouvoir sauver la collectivité́ de l’anarchie.
Quel est le nom d’un tel régime?