Le discours du premier mai 2021 de Yves Veyrier secrétaire général de Force Ouvrière.
Chères et chers camarades,
En premier lieu, merci à vous d’être là aujourd’hui.
Merci parce que cette année encore, le 1er mai a lieu dans un contexte extraordinaire, celui de la pandémie de Covid19, qui rend plus difficile de se rassembler, de manifester. L’année dernière était pire encore à cet égard.
Pour autant, nous l’avions dit, et nous le disons encore cette année : il n’était pas question, il n’est pas question que la confédération générale du travail Force Ouvrière se dérobe à cette journée de mobilisation internationale des travailleurs.
Elle date de 1889, lorsque la IIe Internationale socialiste, réunie à Paris, décida de faire de l’anniversaire du 1er mai 1886 et des manifestations qui ont suivi à Chicago, sur la place de Haymarket, une journée internationale de revendications et de grève pour la journée de 8 heures.
Aujourd’hui, toujours, le 1er mai demeure un symbole de l’engagement syndical : celui de la solidarité ouvrière, du refus de l’exploitation, de l’aspiration à l’émancipation individuelle et collective, de l’action collective et de l’internationalisme.
La solidarité ouvrière et syndicale est une exigence de tous les jours, tant que, où que ce soit dans le monde, le syndicalisme, l’action syndicale, les mobilisations pour la démocratie – essentielles au syndicalisme libre et indépendant – demeurent réprimés.
Depuis des semaines, les travailleurs en Birmanie et leurs syndicats, plus largement la population, sont mobilisés contre le coup d’état militaire. Ils font face à une répression sanglante terrible. Maung Maung, le président de la confédération syndicale CTUM, que nous connaissons bien, ainsi que 25 dirigeants syndicaux sont sur une liste militaire de recherchés.
La confédération FO s’est adressée au ministre des Affaires étrangères afin que soient examinés les moyens de pressions mis en œuvre dans le cadre d’une campagne internationale appelée par la CSI (Confédération syndicale internationale).
Avec la CSI, nous sommes également attentifs à la situation à Hong Kong, Lee Cheuk Yan, secrétaire général de la Confédération des syndicats de Hong Kong (HKCTU), que nous connaissons bien également, est accusé d’avoir participé à un rassemblement non autorisé lors des manifestations antigouvernementales de 2019. Il a été condamné avec d’autres militants de la démocratie à 18 mois de prison, le 16 avril dernier. Nous exigeons leur libération.
A l’OIT – l’organisation internationale du travail – nous sommes mobilisés sur bien d’autres dossiers : le cas de militants en Chine qui, pour avoir appuyé les mobilisations de travailleurs dans certaines entreprises, ont fait l’objet d’arrestations et de détentions de plusieurs mois ; la situation en Biélorussie où, là aussi, des syndicalistes ont été arrêtés et détenus et font l’objet d’accusations liées à leur participation à des manifestations pacifistes en faveur de la démocratie et des libertés syndicales.
Ce sont là les cas les plus graves, mais ils ne doivent pas faire oublier que dans trop de pays, les droits syndicaux, la liberté de négociation collective, sont mis en cause, affaiblis. Parfois même, là où on les pensait définitivement acquis.
Nous devons toujours être en veille. Ne rien céder sur le plan des droits démocratiques et syndicaux.
C’est ce qui a amené FO à contester les dispositions contenues dans la loi sécurité globale et les décrets sécurité intérieure qui mettent en cause de fait les libertés individuelles et collectives dont la liberté de manifestation.
Dans un contexte où des fonctionnaires, agents publics et de simples passants ont été victimes, ces derniers jours et derniers mois, d’assassinats terroristes particulièrement horribles, pour les seuls symboles qu’ils représentaient, la Confédération FO réaffirme son attachement à l’universalisme républicain, à la laïcité, à l’instruction publique et à la liberté d’expression. FO est militante de l’émancipation de toute forme de soumission. Elle est militante de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle réprouve et a toujours condamné toute forme de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie et toute forme de discrimination.
Ce 1er mai 2021 est doublement teinté d’histoire.
Notre présence ce matin, aux murs des fédérés, avec nos camarades de Paris et de la région parisienne, rendait hommage à la mémoire des vingt à trente mille victimes de la Commune de Paris, férocement réprimée par le gouvernement d’Adolphe Thiers. Les derniers combats de la Commune se sont déroulés il y a 150 ans, après soixante-douze jours d’une expérience révolutionnaire sans précédent, autour et au cœur du cimetière du Père-Lachaise. Près de 200 fédérés y ont été fusillés dos au mur.
Pour nous, syndicalistes, parmi les grandes dates du mouvement ouvrier, la Commune de Paris tient une place particulière. Dernière révolution du XIXe siècle, c’est aussi la première tentative de prise en main de leur destin par les ouvriers.
Les Communards, à 80 % ouvriers et artisans, avaient développé un programme socialiste et fédéraliste. Derrière le drapeau rouge, ils voulaient réorganiser l’économie au profit des travailleurs. Ils avaient instauré l’éducation gratuite, obligatoire et laïque.
La Commune a voulu être un gouvernement des travailleurs. Les décisions d’ordre économique et social qu’ils firent prendre préfiguraient la législation de protection du travail, la Sécurité Sociale, le système de garantie chômage et le salaire minimum légal.
Il y a 50 ans, à travers la parole d’André Bergeron, secrétaire général de la confédération FO, à l’occasion du centenaire, nous évoquions les femmes et les hommes de la Commune, leur épopée, faite de beaucoup de rêve et de générosité. Notre action syndicale veut, dans son œuvre revendicative quotidienne, par l’accroissement du mieux-être des travailleurs, par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que l’augmentation des salaires, l’amélioration de l’emploi et des conditions de travail, la protection sociale … faire de ce rêve généreux la réalité.
L’actualité de ce 1er mai, c’est évidemment la situation sanitaire et ses conséquences économiques et sociales. La pandémie est mondiale, ses conséquences sont massives. L’OIT estime qu’en 2020, 114 millions d’emplois ont été détruits, et que les femmes et les jeunes travailleurs ont été plus touchés.
Après désormais plus d’une année de pandémie et malgré les nombreuses restrictions sanitaires qui affectent durement l’activité en général, et portent atteinte de fait à l’action syndicale telles que la possibilité de réunions, d’informations et de contacts avec les salariés, de manifestations, les syndicats et militants FO n’ont jamais baissé et ne baissent pas la garde.
Nous avions placé le 1er mai, l’année dernière, sous la revendication de faire de la santé au travail un droit fondamental au niveau international. Cette revendication demeure plus que jamais d’actualité.
Elle appuie celle de doter les services de santé, l’hôpital bien sûr, comme tous les établissements associés, les Ehpad notamment, des moyens, lits, médicaments et matériels et des effectifs indispensables pour répondre aux besoins de la population.
FO l’affirme et le revendique : il s’agit de rompre avec les politiques de rigueur qui réduisent le service public à une dépense. Cela vaut pour l’ensemble des services publics et de la fonction publique. La confédération apporte son soutien à ses syndicats mobilisés contre les fermetures de services et les suppressions d’emplois à l’hôpital et dans les différents ministères confrontés à des restructurations, contre les fermetures de classes dans l’éducation nationale.
Aux côtés de ses fédérations et syndicats mobilisés pour l’extension du Ségur aux salariés du secteur social et médico-social, la confédération FO, avec ses Unions départementales, Fédérations et syndicats, est aux côtés des salariés des entreprises, grandes ou petites, pour la défense des emplois et des salaires.
Nous n’avons eu de cesse de mettre en garde contre l’absence de conditions et contrôles en contrepartie des aides publiques dont ont bénéficié et bénéficient les entreprises, dont certaines n’hésitent pas à annoncer – dans le contexte actuel – des restructurations et des délocalisations d’activités qui se traduisent par des suppressions d’emplois, n’ayant d’autres justifications que l’amélioration de la rentabilité en faveur des actionnaires.
La confédération FO renouvelle sa revendication que toute aide publique soit soumise à conditions, contrôles et sanctions. Au titre des conditions doivent figurer l’interdiction des licenciements et des versements de dividendes.
FO appelle à ce qu’il soit mis fin à la spéculation boursière qui se nourrit de la captation des richesses produites par l’activité économique, qui profite des contraintes sur les salaires et des politiques de rigueur affectant le service public et la protection sociale collective.
La meilleure des réponses passe par la revendication et l’obtention de l’augmentation générale des salaires. FO réaffirme sa revendication d’un Smic porté à 1 450 € net, soit 80 % du salaire médian, et l’instauration d’un salaire minimum comparable dans les pays européens.
La Confédération FO alerte à l’occasion de ce 1er mai et met en garde contre le retour des mêmes politiques de rigueur et d’austérité : elle ne laissera pas le « quoiqu’il en coûte » se transformer en « quoiqu’il en coûte aux travailleurs ».
Ce n’est pas aux travailleurs, aux services publics, à la protection sociale de supporter le coût de la crise sanitaire et économique.
Alors que le chômage atteint des niveaux records, FO dénonce à nouveau l’obstination du gouvernement à imposer sa réforme de l’Assurance chômage, dont l’unique objectif est de réaliser des économies sur les droits des demandeurs d’emplois. Elle en demande l’abandon et confirme l’intention de FO d’engager une requête en annulation et un recours en référé- suspension devant le Conseil d’État.
Réaffirmant son opposition à une étatisation totale de la protection sociale, qui conduirait à un système d’assistance publique a minima, FO demeure déterminée à empêcher le retour du système universel de retraite par points, et dénonce, dans l’immédiat, les velléités d’intégrer au projet de loi de finances de la sécurité sociale, la part de budget de l’État consacrée à l’Agirc-Arrco et à l’Unedic.
En ce 1er mai 2021, 150e anniversaire de la Commune de Paris, FO réaffirme que l’on ne peut séparer la République et la justice sociale.
Aussi, la confédération appelle les travailleurs à renforcer les syndicats FO.
Adhérez, militez pour le progrès et la justice sociale, établissez les cahiers de revendications à tous les niveaux, pour les salaires, l’emploi, la protection sociale, les services publics et la Fonction publique, les conventions collectives et les statuts.
Vive le syndicalisme libre et indépendant !
Vive la solidarité internationale des travailleurs !
Vive le 1er mai des revendications !
Vive la confédération générale du travail – Force Ouvrière !