Chapitre 4, « Un cœur ouvert au monde », sous chapitres 128 à 153 de l’encyclique du Pape François, Fratelli tutti.
Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer
Si l’affirmation selon laquelle tous en tant qu’êtres humains nous sommes frères et sœurs n’est pas seulement une abstraction mais devient réalité et se concrétise, cela nous met face à une série de défis qui nous bouleversent, nous obligent à envisager de nouvelles perspectives et à développer de nouvelles réactions.
La limite des frontières
Lorsque le prochain est une personne migrante, des défis complexes s’entremêlent. Certes, l’idéal serait d’éviter les migrations inutiles et pour y arriver, il faudrait créer dans les pays d’origine la possibilité effective de vivre et de grandir dans la dignité, de sorte que sur place les conditions pour le développement intégral de chacun puissent se réunir.
Mais quand des progrès notables dans ce sens manquent, il faut respecter le droit de tout être humain de trouver un lieu où il puisse non seulement répondre à ses besoins fondamentaux et à ceux de sa famille, mais aussi se réaliser intégralement comme personne. Nos efforts vis-à-vis des personnes migrantes qui arrivent peuvent se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.
En effet, « il ne s’agit pas d’imposer d’en haut des programmes d’assistance, mais d’accomplir ensemble un chemin à travers ces quatre actions, pour construire des villes et des pays qui, tout en conservant leurs identités culturelles et religieuses respectives, soient ouvertes aux différences et sachent les valoriser sous le signe de la fraternité humaine ».
Cela implique des réponses indispensables, notamment face à ceux qui fuient de graves crises humanitaires. Par exemple : augmenter et simplifier l’octroi des visas, adopter des programmes de parrainage privé et communautaire, ouvrir des couloirs humanitaires pour les réfugiés les plus vulnérables, offrir un logement approprié et décent, garantir la sécurité personnelle et l’accès aux services essentiels, assurer une assistance consulaire appropriée, garantir leur droit d’avoir toujours des documents personnels d’identité, un accès équitable à la justice, la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires et d’avoir ce qui est essentiel pour leur subsistance vitale, leur donner la liberté de mouvement et la possibilité de travailler, protéger les mineurs et leur assurer l’accès régulier à l’éducation, envisager des programmes de garde provisoire ou d’accueil, garantir la liberté religieuse, promouvoir l’insertion sociale, favoriser le regroupement familial et préparer les communautés locales aux processus d’intégration.
Il est important d’appliquer aux migrants arrivés depuis quelque temps et intégrés à la société le concept de ‘‘citoyenneté’’ qui « se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant ».
Au-delà des différentes actions indispensables, les États ne peuvent pas trouver tout seuls des solutions adéquates « car les conséquences des choix de chacun retombent inévitablement sur la Communauté internationale tout entière ». Par conséquent, « les réponses pourront être seulement le fruit d’un travail commun », en élaborant une législation (gouvernance) globale pour les migrations.
De toute façon, « il convient d’établir des projets à moyen et à long terme qui aillent plus loin que la réponse d’urgence. Ceux-ci devraient d’un côté aider effectivement l’intégration des migrants dans les pays d’accueil, et en même temps favoriser le développement des pays de provenance par des politiques solidaires, mais qui ne soumettent pas les aides à des stratégies et à des pratiques idéologiquement étrangères ou contraires aux cultures des peuples auxquels elles s’adressent ».
Les dons réciproques
L’arrivée de personnes différentes, provenant d’un autre contexte de vie et de culture, devient un don, parce que « les histoires des migrants sont aussi des histoires de rencontre entre personnes et cultures : pour les communautés et les sociétés d’accueil, ils représentent une opportunité d’enrichissement et de développement humain intégral de tous ».
C’est pourquoi « je demande en particulier aux jeunes de ne pas se laisser enrôler dans les réseaux de ceux qui veulent les opposer à d’autres jeunes qui arrivent dans leurs pays, en les présentant comme des êtres dangereux et comme s’ils n’étaient pas dotés de la même dignité inaliénable propre à chaque être humain ».
D’autre part, lorsqu’on accueille l’autre de tout cœur, on lui permet d’être lui-même tout en lui offrant la possibilité d’un nouveau développement. Les cultures différentes, qui ont développé leur richesse au cours des siècles, doivent être préservées afin que le monde ne soit pas appauvri. Il faut cependant les stimuler à faire jaillir quelque chose de nouveau dans la rencontre avec d’autres réalités. On ne peut pas ignorer le risque de se retrouver victime d’une sclérose culturelle. Voilà pourquoi « nous avons besoin de communiquer, de découvrir les richesses de chacun, de valoriser ce qui nous unit et de regarder les différences comme des possibilités de croissance dans le respect de tous. Un dialogue patient et confiant est nécessaire, en sorte que les personnes, les familles et les communautés puissent transmettre les valeurs de leur propre culture et accueillir le bien provenant de l’expérience des autres ».
Je reprends des exemples que j’ai donnés il y a quelque temps : la culture des latinos est « un ferment de valeurs et de possibilités qui peut faire beaucoup de bien aux États Unis. […] Une forte immigration finit toujours par marquer et transformer la culture locale. En Argentine, la forte immigration italienne a marqué la culture de la société, et parmi les traits culturels de Buenos Aires la présence d’environ deux cent mille Juifs prend un relief important. Les migrants, si on les aide à s’intégrer, sont une bénédiction, une richesse et un don qui invitent une société à grandir ».
En élargissant le regard, le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb et moi-même avons rappelé que « la relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, qui ne peut pas être substituée ni non plus délaissée, afin que tous les deux puissent s’enrichir réciproquement de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures. L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par la domination du matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel.
Il est important de prêter attention aux différences religieuses, culturelles et historiques qui sont une composante essentielle dans la formation de la personnalité, de la culture et de la civilisation orientale; et il est important de consolider les droits humains généraux et communs, pour contribuer à garantir une vie digne pour tous les hommes en Orient et en Occident, en évitant l’usage de la politique de la double mesure ».
L’échange fécond
Les apports mutuels entre les pays, en réalité, finissent par profiter à tous. Un pays qui progresse à partir de son substrat culturel original est un trésor pour l’humanité tout entière. Il faut développer cette conscience qu’aujourd’hui ou bien nous nous sauvons tous ou bien personne ne se sauve. La pauvreté, la décadence, les souffrances, où que ce soit dans le monde, sont un terreau silencieux pour les problèmes qui finiront par affecter toute la planète. Si la disparition de certaines espèces nous préoccupe, nous devrions nous inquiéter du fait qu’il y a partout des personnes et des peuples qui n’exploitent pas leur potentiel ni leur beauté, à cause de la pauvreté ou d’autres limites structurelles, car cela finit par nous appauvrir tous.
Si cela a toujours été vrai, aujourd’hui ce l’est plus que jamais, en raison de la réalité d’un monde très connecté par la globalisation. Nous avons besoin d’un ordre juridique, politique et économique mondial « susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples ». Cela profitera finalement à la planète entière parce que « l’aide au développement des pays pauvres » entraîne la « création de richesse pour tous ».1
Du point de vue du développement intégral, cela suppose qu’il faut également accorder « aux nations les plus pauvres une voix opérante dans les décisions communes » et qu’on s’efforce « de favoriser l’accès au marché international de la part des pays marqués par la pauvreté et le sous-développement ».
Une gratuité qui accueille
Cependant, je ne voudrais pas limiter cette approche à un genre d’utilitarisme. La gratuité existe. C’est la capacité de faire certaines choses uniquement parce qu’elles sont bonnes en elles-mêmes, sans attendre aucun résultat positif, sans attendre immédiatement quelque chose en retour. Cela permet d’accueillir l’étranger même si, pour le moment, il n’apporte aucun bénéfice tangible. Mais certains pays souhaitent n’accueillir que les chercheurs ou les investisseurs.
Celui qui ne vit pas la gratuité fraternelle fait de son existence un commerce anxieux ; il est toujours en train de mesurer ce qu’il donne et ce qu’il reçoit en échange. Dieu, en revanche, donne gratuitement au point d’aider même ceux qui ne sont pas fidèles, et « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45). Ce n’est pas pour rien que Jésus recommande : « Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète » (Mt 6, 3-4).
Nous avons reçu la vie gratuitement, nous n’avons pas payé pour l’avoir. Alors nous pouvons tous donner sans rien attendre en retour, faire du bien sans exiger autant de cette personne qu’on aide. C’est ce que Jésus disait à ses disciples : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8).
La vraie qualité des différents pays du monde se mesure par cette capacité de penser non seulement comme pays mais aussi comme famille humaine, et cela se prouve particulièrement dans les moments critiques. Les nationalismes fondés sur le repli sur soi traduisent en définitive cette incapacité de gratuité, l’erreur de croire qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres et qu’en se fermant aux autres on est mieux protégé. Le migrant est vu comme un usurpateur qui n’offre rien. Ainsi, on arrive à penser naïvement que les pauvres sont dangereux ou inutiles et que les puissants sont de généreux bienfaiteurs. Seule une culture sociale et politique, qui prend en compte l’accueil gratuit, pourra avoir de l’avenir.
Local et universel
Il convient de rappeler qu’« entre la globalisation et la localisation se produit aussi une tension. Il faut prêter attention à la dimension globale pour ne pas tomber dans une mesquinerie quotidienne. En même temps, il ne faut pas perdre de vue ce qui est local, ce qui nous fait marcher les pieds sur terre.
L’union des deux empêche de tomber dans l’un de ces deux extrêmes : l’un, que les citoyens vivent dans un universalisme abstrait et globalisant. […] L’autre, qu’ils se transforment en un musée folklorique d’ermites renfermés, condamnés à répéter toujours les mêmes choses, incapables de se laisser interpeller par ce qui est différent, d’apprécier la beauté que Dieu répand hors de leurs frontières ».
Il faut considérer ce qui est global, qui nous préserve de l’esprit de clocher. Lorsque la maison n’est plus un foyer, mais une prison, un cachot, ce qui est global nous sauve parce qu’il est comme la cause finale qui nous conduit vers la plénitude. En même temps, il faut avec soin prendre en compte ce qui est local, parce qu’il a quelque chose que ne possède pas ce qui est global : le fait d’être la levure, d’enrichir, de mettre en marche les mécanismes de subsidiarité. Par conséquent, la fraternité universelle et l’amitié sociale constituent partout deux pôles inséparables et coessentiels. Les séparer entraîne une déformation et une polarisation préjudiciables.
La saveur locale
La solution ne réside pas dans une ouverture qui renonce à son trésor propre. Tout comme il n’est pas de dialogue avec l’autre sans une identité personnelle, de même il n’y a d’ouverture entre les peuples qu’à partir de l’amour de sa terre, de son peuple, de ses traits culturels. Je ne rencontre pas l’autre si je ne possède pas un substrat dans lequel je suis ancré et enraciné, car c’est de là que je peux accueillir le don de l’autre et lui offrir quelque chose d’authentique. Il n’est possible d’accueillir celui qui est différent et de recevoir son apport original que dans la mesure où je suis ancré dans mon peuple, avec sa culture. Chacun aime et prend soin de sa terre avec une attention particulière et se soucie de son pays, tout comme chacun doit aimer et prendre soin de sa maison pour qu’elle ne s’écroule pas, car les voisins ne le feront pas.
Le bien de l’univers exige également que chacun protège et aime sa propre terre. Autrement, les conséquences du désastre d’un pays finiront par affecter la planète tout entière. Cela se fonde sur le sens positif du droit de propriété : je protège et je cultive quelque chose que je possède, de telle sorte que cela puisse être une contribution au bien de tous.
En outre, il s’agit d’un présupposé pour des échanges sains et enrichissants. L’arrière-plan de l’expérience de la vie dans un milieu et une culture déterminés est ce qui permet à quelqu’un de percevoir des aspects de la réalité, alors que ceux qui n’ont pas cette expérience sont incapables de les saisir avec la même facilité. L’universel ne doit pas être l’empire homogène, uniforme et standardisé d’une forme culturelle dominante unique qui finalement fera perdre au polyèdre ses couleurs et aboutira à la lassitude. C’est la tentation exprimée dans le récit antique de la tour de Babel : la construction d’une tour qui puisse atteindre le ciel n’exprimait pas l’unité entre les différents peuples à même de communiquer à partir de leur diversité. C’était plutôt une tentative malavisée, née de l’orgueil et de l’ambition, de créer une unité différente de celle voulue par Dieu dans son plan providentiel pour les nations (cf. Gn 11, 1-9).
Il y a une fausse ouverture à l’universel procédant de la superficialité vide de celui qui n’est pas capable de pénétrer à fond les réalités de sa patrie, ou bien de celui qui nourrit un ressentiment qu’il n’a pas surmonté envers son peuple. Dans tous les cas, « il faut toujours élargir le regard pour reconnaître un bien plus grand qui sera bénéfique à tous. Mais il convient de le faire sans s’évader, sans se déraciner. Il est nécessaire d’enfoncer ses racines dans la terre fertile et dans l’histoire de son propre lieu, qui est un don de Dieu. On travaille sur ce qui est petit, avec ce qui est proche, mais dans une perspective plus large. […] Ce n’est ni la sphère globale, qui annihile, ni la partialité isolée, qui rend stérile », c’est le polyèdre où, en même temps que chacun est respecté dans sa valeur, « le tout est plus que la partie, et plus aussi que la simple somme de celles-ci ».
L’horizon universel
Les narcissismes, obsédés par le particularisme local, ne sont pas un amour sain de son peuple et de sa culture. Ils cachent un esprit étriqué qui, à cause d’une certaine insécurité et par peur de l’autre, préfère créer des remparts pour se protéger. Or il n’est pas possible d’être local de manière saine sans une ouverture sincère et avenante à l’universel, sans se laisser interpeler par ce qui se passe ailleurs, sans se laisser enrichir par d’autres cultures ou sans se solidariser avec les drames des autres peuples.
Ce particularisme local se recroqueville d’une manière obsessive sur quelques idées, coutumes et sécurités, incapable d’admiration devant la multitude de possibilités et de beautés que le monde tout entier offre, et dépourvu d’une solidarité authentique et généreuse. Ainsi, la vie locale n’est plus authentiquement réceptive, elle ne se laisse plus compléter par l’autre ; elle est par conséquent limitée quant à ses possibilités de développement, devient statique et dépérit. Car au fond toute culture saine est ouverte et accueillante par nature, de telle sorte qu’« une culture sans valeurs universelles n’est pas une vraie culture ».
Reconnaissons que, moins une personne a une ouverture d’esprit et de cœur, moins elle pourra interpréter la réalité environnante dans laquelle elle se trouve. Sans relation et sans contraste avec celui qui est différent, il est difficile de se comprendre de façon claire et complète soi-même ainsi que son propre pays, puisque les autres cultures ne sont pas des ennemis contre lesquels il faudrait se protéger, mais des reflets divers de la richesse inépuisable de la vie humaine. En se regardant soi-même par rapport au point de référence de l’autre, de celui qui est différent, chacun peut mieux reconnaître les particularités de sa personne et de sa culture : leurs richesses, leurs possibilités et leurs limites. L’expérience qui se réalise à un endroit doit être développée “en contraste” et “en syntonie” avec les expériences des autres qui vivent dans des contextes culturels distincts.
En réalité, une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité. Car en s’enrichissant avec des éléments venus d’ailleurs, une culture vivante ne copie pas ou ne reçoit pas simplement mais intègre les nouveautés “à sa façon”. Cela donne naissance à une nouvelle synthèse qui profite finalement à tous, parce que la culture d’où proviennent ces apports finit par être alimentée en retour. C’est pourquoi j’ai exhorté les peuples autochtones à prendre soin de leurs racines et de leurs cultures ancestrales, mais j’ai tenu à clarifier que « mon intention n’est […] pas de proposer un indigénisme complètement fermé, anhistorique, figé, qui se refuserait à toute forme de métissage », puisque « la propre identité culturelle s’approfondit et s’enrichit dans le dialogue avec les différences, et le moyen authentique de la conserver n’est pas un isolement qui appauvrit ».
Le monde croît et se remplit d’une beauté nouvelle grâce à des synthèses successives qui se créent entre des cultures ouvertes, en dehors de toute imposition culturelle.
Pour stimuler une saine relation entre l’amour de la patrie et l’intégration cordiale dans l’humanité vue dans sa totalité, il est bon de rappeler que la communauté mondiale n’est pas le résultat de la somme des pays distincts, mais la communion même qui existe entre eux, l’inclusion mutuelle qui est antérieure à l’apparition de tout groupe particulier. Chaque groupe humain s’intègre dans ce réseau de communion universelle qui trouve là sa beauté. De ce fait, chaque personne qui naît dans un contexte déterminé sait qu’elle appartient à une famille plus grande sans laquelle il est impossible de se comprendre pleinement.
Cette approche suppose en définitive qu’on accepte sans réserve qu’aucun peuple, tout comme aucune culture ou personne, ne peut tout obtenir de lui-même. Les autres sont constitutivement nécessaires pour la construction d’une vie épanouie. La conscience d’avoir des limites ou de n’être pas parfait, loin de constituer une menace, devient l’élément-clé pour rêver et élaborer un projet commun. Car « l’homme est tout autant l’être-frontière qui n’a pas de frontière ».
À partir de la région de chacun
Grâce à l’échange régional par lequel les pays les plus faibles s’ouvrent au monde entier, l’universalité peut préserver les particularités. Une ouverture adéquate et authentique au monde suppose la capacité de s’ouvrir au prochain, dans une famille des nations. L’intégration culturelle, économique et politique avec les peuples voisins devrait être accompagnée d’un processus éducatif qui promeuve la valeur de l’amour du prochain, premier exercice indispensable pour obtenir une intégration universelle saine.
Dans certains quartiers populaires, où chacun ressent spontanément le devoir d’accompagner et d’aider le voisin, survit encore l’esprit de ‘‘voisinage’’. Dans ces endroits qui préservent ces valeurs communautaires, on entretient des relations de proximité caractérisées par la gratuité, la solidarité et la réciprocité, à partir du sens d’un ‘‘nous’’ de quartier. Puisse cela se vivre également entre les pays voisins, afin qu’ils soient capables de construire des relations cordiales de voisinage entre leurs peuples ! Mais les visions individualistes se manifestent dans les relations entre pays. Le danger de vivre en se méfiant les uns des autres, en considérant les autres comme de dangereux concurrents ou ennemis, en vient à affecter les relations entre les peuples d’une même région. Peut-être avons-nous été éduqués dans cette peur et dans cette méfiance !
Certaines nations puissantes et de grandes entreprises profitent de cet isolement et préfèrent négocier avec chaque pays séparément. En revanche, pour les pays petits ou pauvres s’ouvre la possibilité de conclure avec leurs voisins des accords régionaux qui leur permettent de négocier en bloc et d’éviter de devenir des segments marginaux et dépendants des grandes puissances. Aujourd’hui aucun État national isolé n’est en mesure d’assurer le bien commun de sa population.