En effet, dans la semaine du 8 juin, certains employés ont commencé à recevoir une partie de ce qui leur était dû, mais attendent toujours que la totalité des salaires impayés soit réglée.
Une enquête d’Amnesty International
Nous révélons que des travailleurs migrants sur un chantier de stade de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar ont travaillé jusqu’à sept mois sans salaire. Ce cas est la dernière illustration accablante de la facilité avec laquelle il est encore possible d’exploiter les travailleurs au Qatar.
Une centaine d’employés issus d’Asie du Sud Est et d’Afrique travaillant pour la société Qatar Meta Coats (QMC), une entreprise de travaux sous-traitée pour la construction du stade AlBayt, attendent toujours l’intégralité de leur salaire.
Selon notre enquête, le problème aurait débuté en 2019. De nombreux employés n’ont perçu aucun salaire entre septembre 2019 et fin mars 2020. Et si l’entreprise a assuré à plusieurs reprises aux travailleurs qu’ils percevraient leur salaire, c’est l’enquête menée par nos équipes qui a permis de faire évoluer la situation. En effet, dans la semaine du 8 juin, certains employés ont commencé à recevoir une partie de ce qui leur était dû, mais attendent toujours que la totalité des salaires impayés soit réglée. C’est l’intervention de notre organisation auprès des autorités qatariennes, de la FIFA et du Supreme Committee for Delivery and Legacy, le comité organisateur de la Coupe du monde au Qatar, qui a fait changer les choses.
Malgré la soi-disant réforme de la kafala – système de parrainage – les travailleurs migrants dépendent toujours de leurs employeurs pour presque tous les aspects de leur présence légale dans le pays. Les employeurs ont la responsabilité de leur fournir des permis de séjour valides, sans lesquels les migrants ne peuvent travailler légalement dans le pays. De même, si un travailleur souhaite changer d’emploi, il lui faut l’accord de son employeur.
Une difficile quête de justice
En janvier 2020, fatigués des fausses promesses répétées par l’entreprise, certains travailleurs avaient déposé une plainte auprès d’un « comité pour le règlement des conflits du travail » qatarien. Les représentants de QMC ont ainsi accepté de régler certains salaires réclamés mais les promesses sont restées vaines. D’autres employés ont été informés par l’entreprise qu’ils ne seraient payés que s’ils acceptaient de résilier leur contrat de travail plus tôt et de rentrer chez eux. Plusieurs employés ont également déclaré avoir été empêchés de se rendre au travail, en représailles d’avoir déposé plainte ou d’avoir refusé de résilier leur contrat plus tôt.
L’entreprise a tellement de pouvoir sur les travailleurs que ça vous fait regretter d’avoir porté plainte. Peu importe ce que l’entreprise décide de faire, le Qatar les favorise. Les travailleurs souffrent car ce sont les entreprises qui règnent.
En parallèle, QMC n’a pas renouvelé les permis de séjour des employés, ce qui expose les travailleurs à la détention et à l’expulsion.
De plus, bien que cela soit interdit par la loi du travail du Qatar, les travailleurs de QMC ont payé des frais élevés pour obtenir un emploi. Certaines personnes ont ainsi déclaré avoir payé des montants allant de 900$ à 2000$ US à des agents de recrutement dans leur pays d’origine. Beaucoup ont dû contracter des emprunts pour couvrir ces frais et se trouvent à présent confrontés à des difficultés pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils ne peuvent rentrer au pays sans avoir été payés, après les sacrifices consentis pour se rendre au Qatar.
Des réponses et peu d’actes
Dans ses réponses écrites, QMC a reconnu les retards de paiement dus à des difficultés financières et nous a déclaré qu’elle tentait de les résoudre. De même, le comité organisateur nous a déclaré avoir appris pour la première fois les problèmes de paiement en juillet 2019. Il indique également avoir pris diverses mesures pour tenter de remédier à ces abus, notamment en rencontrant la direction de l’entreprise, en la mettant sur liste noire de futurs contrats et en informant le ministère du travail.
Dans sa réponse, la FIFA a indiqué avoir contacté le comité d’organisation après avoir eu connaissance de l’affaire à la suite de l’enquête menée par nos équipes. Elle travaille désormais avec ses partenaires au Qatar pour garantir le paiement de tous les salaires en souffrance sans plus tarder. Néanmoins, notre sollicitation écrite auprès du ministère du Travail n’a reçu aucune réponse à ce jour.
La responsabilité des acteurs
Le Supreme Committe, l’entité responsable de la supervision de tous les projets de construction et d’infrastructure pour la Coupe du monde de la FIFA 2022, a établi des règles qui exigent que les entreprises engagées dans les projets liés à la Coupe du monde veillent au respect des droits de tous les travailleurs et à la réparation des abus. Mais cependant ces règles ne sont pas assez respectées car elles n’ont pas pu garantir le paiement en temps opportun des employés. Ces normes sont encore inadéquates pour mettre fin aux abus et fournir des recours en temps voulu aux travailleurs lorsque les entreprises ne se conforment pas à la réglementation.
Par ailleurs, que la FIFA ait été au courant du sort des travailleurs dans l’un de ses stades de la Coupe du monde si tardivement montre bien qu’elle ne prend toujours pas suffisamment au sérieux les violations des droits de l’homme liées à l’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Si, au cours des 10 dernières années, la FIFA avait tenu ses partenaires de la Coupe du monde responsables et avait usé de son poids pour pousser le Qatar à réformer complètement ses systèmes, nous n’entendrions pas les mêmes souffrances des travailleurs deux ans et demi avant le coup d’envoi de l’événement sportif mondial.
Nous restons aux côtés des travailleurs de QMC afin d’exiger du Qatar et de ses partenaires de la Coupe du monde que leur soit versé chaque centime dû. Chaque travailleur doit également être en mesure d’avoir des documents juridiques valides et être remboursé de ses frais garantissant son emploi au sein de l’entreprise QMC. L’ensemble des acteurs impliqués se doit d’agir rapidement pour mettre fin aux abus et fournir rapidement des solutions.