Extrait d’un arrêt de la Cour Internationale de Justice du 16 mars 2001.
Le Qatar fut territoire du Bahreïn il y a longtemps
Le 31 mai 1861, le Gouvernement britannique conclut un Traité perpétuel de paix et d’amitié avec le cheikh Mahomed bin Khalifah, dans lequel ce dernier était désigné comme souverain indépendant de Bahreïn.
Aux termes de ce traité, Bahreïn s’engageait notamment à s’abstenir de toute agression maritime de quelque nature qu’elle soit, tandis que la Grande-Bretagne s’engageait à fournir à Bahreïn l’appui nécessaire pour maintenir la sécurité de ses possessions contre toute agression.
Aucune disposition de ce traité ne précisait l’étendue de ces possessions. A la suite d’hostilités qui avaient éclaté dans la péninsule de Qatar, les villes de Doha et de Wakrah furent détruites en 1867 par les forces combinées des cheikhs de Bahreïn et d’Abou Dhabi.
Cette action conduisit le résident politique britannique dans le Golfe à intervenir. Il se mit en rapport avec le cheikh Ali bin Khalifah, chef de Bahreïn, et le cheikh Mohamed Al-Thani, chef de Qatar et, les 6 et 12 septembre 1868, respectivement, les amena l’un et l’autre à signer un accord avec la Grande-Bretagne.
Par ces accords, le chef de Bahreïn reconnaissait notamment que certains actes de piraterie avaient été commis par Mahomed bin Khalifah, son prédécesseur, et, «afin de sauvegarder la paix en mer et de prévenir la survenance d’autres troubles ainsi que pour tenir le résident politique informé de ce qui se passe, il promettait de désigner un représentant auprès de ce dernier ; quant au chef de Qatar, il s’engageait. Entre autres, à retourner à Doha et à y résider pacifiquement, à ne pas prendre la mer avec des intentions hostiles et, au cas où surgiraient des différends ou des malentendus, il en référerait sans exception au résident politique.
Le 13 septembre 1868, toujours grâce à la médiation du résident politique britannique, les chefs tribaux (résidant dans la province de Qatar) convinrent solennellement de verser au cheikh Ali bin Khalifah, chef de Bahreïn, les sommes qu’ils payaient jusqu’alors chaque année aux chefs de Bahreïn; ces sommes étaient remises à Mohamed Al-Thani de Doha qui devait les transmettre à son tour, avec sa propre contribution, au résident politique britannique pour remise de la totalité à l’agent du chef de Bahreïn.
Selon Bahreïn, les événements de 1867- 1868 démontrent que Qatar n’était pas indépendant de Bahreïn ; le résident politique britannique aurait plutôt arraché des engagements personnels unilatéraux aux souverains de Bahreïn et d’Abou Dhabi ainsi qu’à Mohammed bin Thani, le chef de la confédération de Doha, par lesquels ceux-ci promettaient de ne pas se livrer à des activités militaires navales.
Au surplus, l’autorité souveraine du cheikh de Bahreïn sur la péninsule aurait été confirmée par l’officialisation des impôts dus par les tribus de la péninsule de Qatar subordonnées au souverain de Bahreïn, telle qu’elle aurait été opérée par l’accord du 13 septembre 1868 entre les cheikhs de Qatar et celui de Bahreïn. Le cheikh Al-Thani de Doha aurait ainsi reconnu la pérennité de l’autorité des souverains de Bahreïn et leur droit à lui réclamer l’impôt.
De l’opinion de Bahreïn, jusqu’en 1916, il n’y avait donc pas d’Etat de Qatar doté d’attributs de souveraineté sur l’ensemble de la péninsule de Qatar.
Selon Qatar au contraire, les accords de 1868 reconnaissaient pour la première fois officiellement l’identité distincte de Qatar. Ils traitaient sur un pied d’égalité le souverain de Bahreïn et celui de Qatar et confirmaient également que les Britanniques reconnaissaient que l’autorité du cheikh de Bahreïn ne s’étendait pas au territoire de Qatar.
Le Gouvernement britannique considérait que l’engagement du 13 septembre 1868 prévoyant le paiement par Mohamed Al-Thani, au nom des chefs de tribus qataris, d’un tribut au souverain de Bahreïn ne mettait aucunement en cause l’indépendance de Qatar vis-à-vis de Bahreïn ; ce paiement devait en effet s’analyser comme une contribution fixe de Qatar à des sommes que Qatar et Bahreïn devaient verser aux «Wahhabites» pour mettre leurs frontières à l’abri de ces derniers, plus particulièrement pendant la saison de la pêche aux huîtres perlières. Ce tribut n’aurait en tout état de cause été payé que pendant deux ans et aurait cessé de l’être lorsque les Turcs s’établirent A Bida qui fait partie de ce qui est aujourd’hui Doha.
Si la Grande-Bretagne était à l’époque la puissance maritime dominante dans le Golfe, l’Empire ottoman avait pour sa part rétabli son autorité sur de vastes régions terrestres du côté méridional du Golfe.
Au début des années 1870, les Ottomans installèrent une garnison à Bida et firent de Qatar une division administrative de leur empire. Ils accordèrent leur protection au cheikh Mohamed Al-Thani qui fut désigné kaimakam du kaza de Qatar. Ils demeurèrent plus de quarante ans dans la péninsule de Qatar…