Le Qatar porte- t- il la responsabilité des insuffisances économiques des politiques tunisiens ?
L’islam politique et la réalité
Malgré la révolution de 2011 en Tunisie, il reste énormément à faire dans ce pays pour que l’ensemble de la population puisse vivre décemment.
Une polémique surgit régulièrement ciblant les Frères musulmans, Ennahda et le Qatar. La présence de la députée tunisienne Leila Chettaoui à un symposium intitulé « Le Qatar : patron de l’anarchie et des crises au Moyen-Orient », organisé à Bahreïn, participe à ces polémiques. En se rangeant dans le camp de l’excès, cette femme politique contribue à la confusion qui règne dans le Golfe persique, au Moyen Orient et en Tunisie. Peut-on imaginer la Tunisie choisir comme modèle politique l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ou le Bahreïn ? Si le Qatar n’est pas un modèle politique ses voisins ne valent pas mieux.
Quant aux Frères musulmans, une des plus importante force religieuse et politique du Moyen Orient et bien au-delà, peuvent- ils contribuer à clarifier la situation sur ces territoires ? Deux références sont à méditer, ce qui s’est passé en Egypte avec l’arrivée au pouvoir du président Morsi et ce qui se passe actuellement en Turquie.
- En Egypte, Morsi et son équipe se mirent dans une impasse politique que l’armée et des pays comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis ou le Bahreïn, utilisèrent sans vergogne pour remettre la gestion de ce pays dans les mains du maréchal Al Sissi devenu président. L’impréparation à la gestion de cet immense pays, l’Egypte, a montré les limites de l’accès au pouvoir des Frères musulmans. La réflexion globale du projet de la Confrérie qui prône un islam politique n’est pas au point pour l’instant.
- Pire encore, ce qui se passe en Turquie, montre la confusion qui règne au sein de cette Confrérie. La Turquie, un des rares pays laïque où la sécularisation avait fait des pas de géants, vient depuis quelques mois d’amorcer un retour en arrière où laïcité et sécularisation risquent de disparaître. Ce qui pouvait servir de modèle dans le monde musulman, par sa modernité, est en voie d’être plastiqué par le président turc Erdogan et son trésorier le Qatar.
Le Qatar, un pays qui clame haut et fort ne pas soutenir la Confrérie des Frères musulmans et pourtant même les aveugles voient ce soutien quotidien. Le soutien du Qatar à la Tunisie ou à l’Egypte, lorsque les forces de la Confrérie géraient directement ces pays, est une telle évidence que le Qatar perd le peu de crédibilité qu’il lui reste lorsque il affirme le contraire. Pour autant peut-on considérer que le Qatar porte la responsabilité des insuffisances économiques des politiques tunisiens ? La réponse est évidemment Non.
Madame la députée tunisienne Leila Chettaoui et ses collègues qui gèrent le pays doivent assumer leurs responsabilités :
- Sept ans après les bouleversements fondamentaux de 2011, les dirigeants tunisiens en sont encore à étudier un socle social. S’ils ne l’ont pas fait pendant cette période pourquoi le feraient- ils demain ?
- Le retour de la croissance bénéficie avant tout aux plus riches, pourquoi cela changerait- il ?
- Depuis 2010 les élections municipales n’ont pas eu lieu, pourquoi auraient- elles en mai 2018 ?
- Les autorités tunisiennes ont franchi une étape importante en adoptant une loi de finances pour 2018, qui vise à réduire le déficit budgétaire à moins de 5% du PIB pourquoi reviendraient- ils en arrière ?
- …
Si le Qatar, même s’il s’en défend, continue de soutenir la Confrérie dans ses prises de positions pour un islam politique, on ne peut lui faire porter tous les malheurs du monde, en tous cas, les difficultés économiques sociales et politiques en Tunisie. Pousser la Tunisie à prendre part dans le conflit qui oppose l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte contre le Qatar est un véritable suicide politique pour la Tunisie au moment où les rapports avec les autorités qatariennes reviennent progressivement à la normale.
Quant aux jeux d’influences, la députée Leila Chettaoui sait parfaitement par son expérience de femme politique qu’ils existeront tant que les êtres humains vivront.