Quatre états représentants plus 110 millions de personnes face à un minuscule bout de terre où vivent 300 000 qataris aux mains d’un commando.
Le moment de doute de l’Arabie saoudite
Parmi les 4 états qui se confrontent au Qatar il y a l’Arabie saoudite. A part quelques personnes qui arrivent à imaginer que ce pays peut évoluer, l’image de cette puissance du Golfe persique est désastreuse. A l’annonce du mot terrorisme on associe immédiatement Arabie saoudite, à cause des attentats du 11 septembre 2001 aux USA.
Seize ans plus tard, ce n’est plus seulement l’Arabie saoudite qui est visé par l’opinion publique internationale mais l’ensemble des pays du Golfe. A tort ou à raison, après Al Qaïda, la venue sur la scène internationale de l’Organisation de l’état islamique, est imputée en grande partie à des financements venant des pays du Golfe, en lien avec les événements syriens et irakiens.
L’autre élément qui plaide contre l’Arabie saoudite est la formation de plusieurs dizaines de milliers de prédicateurs, chargés de répandre la vision wahhabite de l’islam sur l’ensemble de planète.
Pourtant malgré une puissance considérable en matière financière, basée sur ses hydrocarbures, l’Arabie saoudite a douté de son leadership au moment des Printemps arabes. Ce pays s’est trouvé confronté à un commando qatarien, à sa tête Hamad bin Khalifa al Thani, émir du Qatar et son premier ministre HBJ qui faisant alliance avec une force transversale dans l’ensemble du monde sunnite, la Confrérie des Frères musulmans, ont pendant quelques mois bousculé l’ordre établi au Moyen Orient et même parvenu au pouvoir en Egypte et en Tunisie.
L’Arabie saoudite a mis plusieurs années pour remettre de l’ordre dans son espace d’influence, a obtenu la démission de Hamad bin Khalifa al Thani, émir du Qatar et son premier ministre HBJ, remis un certain ordre en Tunisie et en Egypte et s’est laissé convaincre que Tamim bin Hamad al Thani, fils de Hamad pouvait être l’émir du Qatar qui ramène son pays dans le giron saoudien. Les accords de 2013 et fin 2014 ont fait espérer aux saoudiens que même à contrecœur, Tamim allait faire en sorte que son pays revienne à sa place, celle de laboratoire économique et social ainsi que médiateur dans un Moyen Orient et Afrique du Nord, dès plus complexe.
Tamim le roublard
Les saoudiens et leurs alliés, en particulier les Emirats arabes unis, pourtant connaissait parfaitement le fils de Hamad. Le nouvel émir du Qatar, Tamim bin Hamad al Thani avait été associé totalement aux opérations des Printemps arabes et à toutes les conspirations du Qatar envers ses voisins et bien au-delà. Ce jeune homme s’est retrouvé émir de son pays à la suite de la destitution de son père. Une mise à mort politique de l’émir Hamad et son premier ministre à la demande des saoudiens et émiratis, exécutée par Obama.
Comment voulez-vous que Tamim oublie l’affront fait à son père et à sa famille ! Il a juré tant qu’il a pu, face aux saoudiens et émiratis et devant l’ensemble du CCG que le Qatar allait revenir dans ses terres et modifier sa politique étrangère. Or, dès fin 2014, il passait un accord militaire avec la Turquie et investissait 5 milliards de dollars pour améliorer la plus grande base au monde américaine installé sur son sol, Al Udeid. Il se rapprochait de la Russie, sans négliger des relations cordiales avec l’Iran.
L’émir Tamim n’entend pas revenir dans ses terres car elles sont trop petites et pas cultivables. Son espace de jeu est le monde et tant qu’il aura un souffle de vie, il fera en sorte que la souveraineté de son pays ne soit pas remise en cause. Un affront cela peut se surmonter, un deuxième serait insupportable pour le dirigeant du Qatar et son petit commando qui l’entoure.
Il n’y a pas de solution équitable quelqu’un doit plier
L’Arabie saoudite pouvait-elle éviter la crise avec le Qatar ? Certainement pas, il en va de sa crédibilité. Quatre états représentants plus 110 millions de personnes face à un minuscule bout de terre où vivent 300 000 qataris aux mains d’un commando qui se fortifie chaque jours un peu plus. La crise était inévitable. Et depuis le 5 juin 2017, plus le temps passe, plus les dommages en liens avec la crise dans le Golfe persique deviennent irrémédiables. Les amis du Qatar en France se mobilisent pour dire que le temps est venu de la négociation mais ont-ils pris conscience de la réalité du terrain ? Il n’y a pas de solution équitable quelqu’un doit plier et le Qatar va plier pour gagner du temps. Si les saoudiens avaient eu un peu de courage, une opération militaire aurait dans les premiers jours réglé l’affaire, en destituant le petit commando en place au Qatar et installé celui qu’ils préparent depuis quelques mois Sheikh Abdullah bin Ali al-Thani
Les saoudiens n’ont pas eu le courage et se sont laisser berner par les américains qui maintenant se vantent d’avoir évité cette action militaire. Pourtant dans les cabinets stratégiques saoudiens et émiratis, la question militaire ne peut pas être évacuée.
Ils savent que Tamim cédera dans quelques temps sur des points mineurs comme la non-immiscions dans les affaires de ses voisins, sur Al Jazeera et même la base turque avec ses 250 hommes s’il le fallait. Tamim doit gagner 3 à 4 ans, le temps que son arsenal militaire soit à la hauteur de ses espérances. Après, il n’acceptera plus rien car il aura les moyens de faire des dégâts considérable chez ses voisins.
La seule faille dans le calcul de l’émir du Qatar est le comportement des américains, en particulier celui de Trump. Tel Obama destituant Hamad, Trump pourrait demander la destitution de Tamim, si celui-ci n’acceptait pas de se rapprocher des saoudiens. Tamim fera le pas, car Trump est l’homme qui a donné le feu vert au boycott de son pays et avec lui tout est possible. Il est probable que là encore, Tamim trouve un autre allié, pouvant suppléer les américains le cas échéant, la Chine par exemple. L’affaire du désengagement des US dans l’accord nucléaire avec l’Iran qui pourrait déstabiliser un peu plus ce territoire pourrait inciter les chinois à sortir de leur neutralité et s’installer au Qatar.
Tamim doit gagner du temps car rien ne dit que Trump sera de nouveau élu aux prochaines élections. Et en cas d’élections d’un nouveau président les cartes seront probablement rebattues.
Conclusion
Tamim bin Hamad al Thani, le roublard n’a pas dit son dernier mot. Il est capable de gagner le temps nécessaire pour assurer l’avenir de son petit pays. L’élément qui viendrait tout bouleverser et qu’il ne peut maîtriser et le changement à la tête de l’Arabie saoudite avec la prise de pouvoir de MBS, Mohammad bin Salman, le prince héritier actuel. Celui-ci connaît le raisonnement de Tamim et il sait que seule l’option militaire garantira une certaine tranquillité aux 110 millions de sujets sous l’influence saoudienne.