Alors que les Agences de notations sont un peu déboussolées en baissant la note du Qatar, elles pourraient bien ne pas avoir intégré un élément clé, le sursaut d’orgueil de ce pays tant des qataris que des expatriés qui collaborent à sa gestion.
Le Qatar ne s’est pas effondré
Les Agences de notations raisonnement avant tout avec des éléments tangibles et ont aussi un bon logiciel pour imaginer le futur d’un pays à 12 ou 18 mois. Il leur arrive parfois d’être pessimiste sur un pays, car leur crédibilité est en jeu. On pardonne plus facilement à ses « imaginatifs » lorsque les résultats sont meilleurs que ce qu’ils ont prévu.
Dans le cas du Qatar, pays que nous observons depuis avril 2013, ils sont souvent dans le bon ton. Mais depuis le 5 juin, on constate, tant pour Fitch que pour Standard and Poor’s, une certaine nervosité sur l’analyse économique et les perspectives du Qatar. Il faut dire que la brutalité du boycott du 5 juin 2017 par l’Arabie saoudite et ses satellites, Bahreïn, Emirats arabes unis et Egypte est venue distribuer les cartes dans cette zone qui pèse au niveau mondial. A quelques jours de la fin du 3e mois du boycott, le Qatar ne s’est pas effondré, ni politiquement ni économiquement ni socialement.
Le Qatar tient une occasion unique de couper les liens avec la pieuvre saoudienne
Un des avantages du Qatar est son commandement. L’émir Tamim, avec un petit commando de responsables politiques et administratifs, gère ce pays et les décisions ont été rapidement prises pour faire face notamment au blocus terrestre, maritime et aérien. A cette heure, les nombreuses importations dont a besoin le Qatar, lui coûtent plus cher qu’habituellement. Avec le temps, ce coût impactera nettement moins l’économie qatarie. Il n’est pas impossible que l’autonomie vis-à-vis des saoudiens et émiratis qui était déjà en marche, subisse une accélération historique, qu’aucun des belligérants n’avait imaginé.
La baisse du prix des hydrocarbures a obligé déjà le Qatar en mettre en valeur son secteur privé, bien au-delà de la planification qu’il avait imaginé et ceci depuis mi-2014. Le sursaut qu’il entreprend depuis le 5 juin 2017, à cause du boycott est tout aussi important et va plus loin que le fait économique.
Le Qatar tient une occasion unique de couper les liens avec la pieuvre saoudienne car à cause de la fermeture de sa frontière terrestre, il devient une île. Ceci produit souvent deux phénomènes, on a l’impression de tourner rond car le territoire se rétrécit dans sa tête, mais en même temps l’appartenance à « cette île » devient extrêmement forte.
Le Qatar tient là une belle occasion de couper les tentacules de la pieuvre saoudienne qui avec le temps avait entrelacé le pays. S’il ne fait aucun doute que la population qatarienne dans sa quasi-unanimité est derrière l’émir, toute autre solution serait suicidaire, il reste encore à convaincre le gros des expatriés.
Les cadres supérieures habitués à gérer ce type de situation stressante ont déjà fait pour la plupart le choix de rester et résister. Ceux des expatriés qui depuis longtemps habitent le Qatar, formant le bataillon de la classe moyenne, n’ont pas d’autre choix que de rester, au risque de perdre leur magasin ou leur petite société et surtout le confort dans la gestion de leur quotidien par un nombre conséquent d’employés de maison. Et puis il y a le grand nombre des bas niveaux de qualification qui de toute manière à terme partiront lorsque les travaux liés aux infrastructures et à la Coupe 2022 seront terminés. Une réponse appropriée doit être apportée aux trois catégories.
Depuis le 5 juin les qataris se sont rapprochés des expatriés, car ils ont compris que si l’invasion de leur pays n’avait pas eu lieu par les boycotteurs, ils le doivent surtout à la présence des expatriés sur leur sol qui représentent 90 % de la population totale. Il faut que ce rapprochement se poursuive dans l’intérêt de tous.
Infine, chacun attend de l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad al Thani, qu’il rende plus autonome son pays, ayant le courage de faire de l’isolement du Qatar une véritable opportunité. Une autonomie par rapport aux boycotteurs, une autonomie par rapport aux revenus des hydrocarbures et une autonomie sociale où l’expatrié n’est pas seulement une variable d’ajustement mais un « trésor » pour le Qatar.