Depuis juin 2013, Tamim bin Hamad al Thani, 8e émir du Qatar règne. Ce pays peut-il espérer le meilleur ?
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute
En novembre 2016, l’émir Tamim al Thani prononçait un discours pour l’ouverture de la 45e session de l’Advisor Council. Une expression avait attiré notre attention « … when I see billboards on the streets that read: « Qatar deserves the best », I say it would be more correct to read: « Qatar deserves the best from its citizens.»
L’émir a raison de vouloir mobiliser ses concitoyens, mais est-il capable de percevoir que depuis son arrivée, son pays globalement fait du surplace. Ce qui pose problème c’est son entourage. L’émir est aveuglé par l’amitié qu’il porte à certains hauts responsables qui brillent surtout par leur médiocrité, pourtant il sait que « tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.»
Le fossé se creuse entre les dirigeants qatariens et le reste de la population
Quelques points que l’émir connait mais qu’il ne règle pas.
En premier lieu, au niveau politique, les qataris aujourd’hui n’ont pas droit au chapitre, ni au niveau municipal ou malgré les demandes répétées des élus, aucun changement n’est envisagé et encore moins au niveau législatif puisque malgré ce qui est prévu dans la Constitution c’est l’émir qui désigne les membres de l’Advisor Council.
En deuxième lieu, la société qatarienne s’atomise tout autant que le reste du monde, le collectif diminue et on trouve aujourd’hui des hommes et des femmes « seuls ». En quelques années, le taux de divorce a explosé, mettant à mal la cellule familiale, un des fondamentaux du Qatar.
En troisième lieu, même si les droits des femmes sont en évolution, ce qu’il reste à accomplir est important. Les femmes seront-elles l’avenir du Qatar ? L’émir se heurte à la problématique du fait religieux et chacun a compris qu’il ne dispose ni du poids ni de la volonté de bousculer « les religieux wahhabites » du Qatar. Au-delà de quelques cas de femmes exceptionnelles que l’on met en avant en permanence, les femmes qatariennes ne peuvent pas pleinement répondre à l’appel de l’émir.
En quatrième lieu, l’éclatement de la cellule familiale, l’éloignement du père à cause de son engagement économique, les valeurs du Qatar qui se diluent dans la mondialisation, ne permettent pas à la jeunesse de s’épanouir autant qu’elle le devrait. Les souffrances endurées se transforment souvent en un « mal être » qui abime la santé comme l’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, la dépression…Pour motiver les jeunes qatariens dans leur cursus scolaire on évite de leur parler de l’insertion dans la vie active. Or, la réalité des bas salaires au début de la carrière et les places détenues par des expatriés, souvent avec une immense expérience, bloque leur entrée dans la vie active. Et que dire de la « violence intellectuelle » que subit l’élite de la jeunesse qatarienne qui réussit son insertion ?
Cinquième lieu, au Qatar les riches sont en croissance, mais on assiste aussi à la disparition de la classe moyenne. L’écart se creuse entre qatariens. Si en moyenne la richesse par habitant classe ce pays dans les premiers au monde, dans la vie réelle, la moyenne cache la souffrance de familles qatariennes en surendettement…
Le Qatar peut-il espérer le meilleur et se mobiliser pour l’atteindre ? Le peuple attend du concret pour aller de l’avant et ce qu’il entend et voit ce sont surtout des mots et un fossé qui se creuse avec les dirigeants.