Courir après un accroissement de la population à ce rythme n’est pas raisonnable pour un petit pays comme le Qatar. Une vibration sourde de mécontentement monte des entrailles du pays pouvant faire basculer la société qatarienne.
Le point d’équilibre
Les qatariens ne sont plus maîtres de leur destin, leur qualité de vie se dégrade à cause d’une planification qui privilégie la quantité à la qualité, le futurisme à la modernisation.
Le choix le plus discutable fut bien de postuler pour organiser la Coupe du monde de football 2022. Ce qui devait faire briller le Qatar le montre sous un aspect dommageable, son image est ternie à cause d’une attribution contestée mais surtout d’un accueil très mal organisé des cohortes d’asiatiques, africains et autres venus travailler dans ce pays. Ces expatriés qui ont cru profiter d’un nouvel eldorado, en œuvrant pour la construction et la mise à jour des infrastructures du Qatar et des stades, se sont vus parqués dans des camps de travail ou autres logements bien souvent indignes d’un pays classé au premier rang mondial, pour sa richesse par habitant. Le droit du travail issu d’une période où la population était moindre et l’esclavage abandonné depuis peu, là encore, n’est pas à la hauteur de la situation.
Le Qatar qui était dans une modernisation à marche forcée, s’est retrouvé à se projeter dans un futurisme effréné qui ne cesse de faire des dégâts sur la population des qatariens de souche et malmène, pour l’essentiel, les 90 % de la population étrangère au pays. Les autorités qatariennes engagées dans cette fuite en avant sont aujourd’hui incapables de mesurer les atteintes à l’ensemble des résidents du Qatar. Ce n’est pas en muselant la liberté d’expression, comme ils viennent de le faire, en faisant taire au niveau local un journal indépendant anglais, Doha News qu’ils renverseront la logique explosive qui est en marche dans ce pays, nourrie par l’augmentation des inégalités.
D’ailleurs, Transparency International dans son rapport 2016 vient de dégrader la note et le classement du Qatar en matière de lutte contre la corruption. Cette organisation internationale indique que là où la liberté d’expression diminue et que les inégalités augmentent, la corruption progresse. En outre elle invoque les motifs suivants pour cette dégradation : «Les scandales de la FIFA, les enquêtes sur l’attribution du Mondial de football en 2022, les violations des droits humains pour les travailleurs migrants ont eu des répercussions évidentes sur la perception du pays»
Ceci rejoint ce que nous indiquons depuis plusieurs mois maintenant, non seulement le Qatar intérieur souffre, mais en outre la vision extérieure du Qatar se dégrade. Il faut ici préciser que le nécessaire développement du secteur hors hydrocarbures n’est pas responsable de la situation préjudiciable pour le Qatar. Ce sont bien des choix hasardeux d’une petite élite et non partagés par le peuple qatarien qui au-delà des apparences « déclasse le Qatar ». Cette élite souvent « jeune » ne voit pas l’équilibre du pays commencer à vaciller.
Certes, l’émir Tamim al Thani, la plus haute autorité du pays, commence à fendre l’armure et prend conscience qu’il faut se rapprocher du peuple qatarien pour essayer de diminuer cette vibration sourde de mécontentement qui monte des entrailles de son pays. Trop seul dans cette entreprise, pourra- t-il empêcher le Qatar, aux fondations bâties sur du sable, de s’écrouler à terme par pans entiers ?