Le jeune émir du Qatar conduit-il son pays sur le bon chemin ?
Tracer le chemin
Le 27 juin 1995, Tamim avait 15 ans lorsque son père Hamad décide de renverser l’émir Ahmad et prendre sa place. Une affaire de famille puisque Ahmad c’est le grand-père de Tamim. Le clan a suivi pour ne pas imploser et le Qatar a commencé, grâce au gaz qu’il venait de découvrir, à bâtir la ville-état Doha et le reste du Qatar. Le 25 juin 2013, Tamim succédait à son père dans le calme. Il a compris au moins deux choses :
- premièrement ou l’on s’impose au clan ou le clan vous absorbe,
- deuxièmement les américains pèsent trop dans la destinée du pays.
Le 26 juin 2014 nous écrivions « Un an de règne pour le fils de Scheikha Moza et de l’ancien émir Hamad. Personne n’est aujourd’hui capable de savoir ce qui se passe réellement dans sa tête. A 34 ans un homme se sent infiniment puissant or, il règne au sein d’un clan, les Al Thani qui dirigent la destinée du Qatar depuis presque 200 ans. Arrivera-t-il comme son père à faire sa place ou se fera- t- il absorber par le clan ? »
Le 20 juin 2015 nous écrivions « Cette dernière année, le jeune émir Tamim du haut de ces 35 ans, qu’il a fêté le 3 juin, a parcouru de nombreux kilomètres pour visiter une bonne partie de notre planète. Donnant la priorité à l’Asie, il a joint à la parole, les investissements qui montrent qu’il attache de l’importance à cette partie du monde. C’est ainsi que sur la dernière année, ce sont plus de 15 milliards de dollars qui ont été investis en Asie dans les secteurs de la santé, les infrastructures et l’immobilier. »…Et aussi « D’aucuns mettront au crédit de l’émir Tamim al-Thani le rapprochement avec l’Arabie saoudite et les autres états du Golfe, mais nous sommes persuadés à Qatarinfos.net qu’une fois la « potion de l’oubli » ayant terminé son effet, les masques tomberont. Et puis le futur du Moyen Orient pourrait s’écrire non plus en saoudien mais en iranien et le Qatar est capable, comme tout jeune pays, de tous les grands écarts possibles. » Un de mes interlocuteurs qui connait le Qatar pour y avoir vécu, m’indiquait que 40 % des qatariens comprennent la langue « Farsi » ou persane.
En conclusion de ces deux ans de règne nous écrivions, « Tamim al Thani est un grand voyageur mais un petit réformateur pour l’instant. Il a le temps pour lui, à la condition que dans son pays, ses concitoyens le suivent, si jusqu’ici tout va bien, nul n’est maître du devenir d’un peuple. »
Imprimer sa marque sans quitter le bon chemin
La troisième année du règne du huitième émir du Qatar vient de s’écouler. Comme il l’avait annoncé, fin novembre 2014 aux responsables qatariens, le Qatar avance sur un chemin économique périlleux. Des efforts importants ont été réalisés dans l’ensemble des secteurs du pays pour faire face à la baisse brutale des prix des hydrocarbures. Mais la prise de conscience des qatariens n’est pas aussi importante que l’émir l’aurait souhaité. Il a demandé donc à son ministre des Finances d’intervenir pour annoncer trois années de déficits budgétaires, des chiffres qui peuvent varier selon les prix des hydrocarbures. Si personne ne peut reprocher à l’émir sa clairvoyance, force est de constater qu’il ne dispose pas des hommes nécessaires autour de lui pour faire évoluer les mentalités du pays. Il est toutefois juste de dire que la tâche est immense et que le danger de déséquilibrer le pays est réel.
Des questions taraudent les grandes familles qatariennes sur des choix qui impactent le vivre ensemble, la culture islamique et une présence exorbitante d’étrangers au pays. L’engagement, de la famille royale est en particulier de l’émir, d’organiser la Coupe du monde 2022 au Qatar, pourrait s’avérer désastreux au moment de faire le bilan. Comme la course aux armements qui est devenu prioritaire avant même l’éducation et la santé. Des choix qui impriment la marque du nouvel émir, mais qui sont financés par un endettement qui va rapidement devenir intolérable et qui pourrait être en partie remplacé par des taxes en hausse.
Les grandes familles du Qatar ont « prêté allégeance » au clan Al Thani depuis 200 ans, lui laissant jusque-là la responsabilité du pays. Si la crise est passagère et que le développement du secteur privé vient l’atténuer, cette confiance sera maintenue. Il existe dans la mémoire collective du Qatar un épisode historique dramatique qui économiquement a marqué pour des générations le pays, la brutale chute des prix des perles dont le Qatar était un grand producteur. Tout sera pardonné à l’émir s’il arrive à juguler cette crise sans trop prendre aux grandes familles. Dans le cas contraire le Qatar pourrait se retrouver comme dans le passé, à voir resurgir des envies de destitution.