Les salariés qui effectuent les travaux domestiques au sein de la famille qatarie ne sont pas appréciés à leur juste valeur. Cela accentue l’éclatement de la cellule familiale et occasionne des dégâts considérables sur les jeunes qataris.
L’enfant qatari est isolé au milieu du bruit familial
L’enfant qatari est l’objet de toutes les attentions de la part des parents qataris. Le Qatar qui a une population d’environ 250 000 personnes, est obligé de penser au futur avec encore plus d’acuité que d’autres pays, chaque enfant représentant une partie de cet avenir.
Au Qatar, la présence du père à la maison devient rare car il est pris par son travail de plus en plus à l’international. La famille qatarie est souvent composée d’un mari avec deux à trois femmes et en moyenne une bonne douzaine d’enfants. Exister en tant qu’enfant au milieu de cette fratrie est complexe, on se retrouve souvent seul au milieu de beaucoup de bruit. La famille qatarie de nos jours a les mêmes difficultés que l’on retrouve un peu partout dans le monde, notamment dans les pays à forts revenus. Le taux de divorce proche des 40 % engendre des dégâts importants sur les enfants qui paient souvent la mésentente de leurs parents.
Finalement, les personnes que ces enfants qataris voient le plus, ce sont les salariés chargés des travaux domestiques dont la gestion des enfants au quotidien. Or, ces personnels ne sont pas considérés à leur juste valeur.
Allié, simple salarié ou ennemi
Un rapport récent sur la problématique des travaux domestiques concluait ainsi «les droits des travailleurs domestiques restent un défi important, car ils sont le groupe le plus exposé à des transgressions, en raison de l’absence de législation pour réglementer leurs affaires et relations de travail, et le fait qu’ils ne sont pas soumis à la loi du travail »
Ce personnel présent en nombre dans toutes les familles, près de 90 000 au total est essentiellement féminin. Ce nombre varie selon l’importance des moyens de la famille et des membres de cette famille. Pour avoir discuté avec des personnes qui ont travaillé au Qatar, il en résulte trois grandes catégories, les alliés de la famille qatarie, les salariés ordinaires qui font uniquement leur travail et les ennemis de la famille.
Les alliés sont ces travailleurs qui non seulement suppléaient les parents mais qui ont de leur part une autorité réelle dans la gestion de la maison et notamment sur l’enfant. Ils rendent compte mais ont une marge réelle. Tâche des plus complexe mais en général ils sont très bien payés.
Les simples salariés sont la grande masse de ces travailleuses, venues de l’étranger, dont un tiers sont des philippines, elles font leur job sans attendre d’être commandées mais souvent estiment être mal payées par rapport au travail effectué et sont mal considérées.
Les ennemies, sont ces salariées ayant subi des violences soit par les adultes de la famille soit par les enfants. Ces violences d’ordre physique ou psychologique deviennent plus importantes quand la famille va mal ou quand les responsables de la cellule familiale n’y prêtent pas attention ou quelques fois en sont les auteurs. La fuite pour certaines d’entre elles est souvent l’unique solution car elles ne sont ni comprises ni entendues. Or, fuir au Qatar de chez son employeur donc son sponsor, c’est se retrouver en prison et quelques fois pour longtemps. On ignore statistiquement si le nombre de suicides n’est pas plus élevé que la moyenne mais malheureusement on peut le supposer.
Ce qu’il faut se rappeler concernant les personnes chargées des travaux domestiques, c’est que l’esclavage a été aboli au Qatar uniquement en 1952 et qu’il faut plusieurs générations avant que la façon de voir les salariés chargés de ces travaux change. Nous n’en sommes pas encore là car dans ces familles la présence de femmes âgées ayant connu cette époque et ayant autorité dans la famille est réelle. La famille qatarie est loin d’être autonome, elle a des liens très forts avec son environnement tribal.
Le Qatar dans le collimateur de la CSI
Le syndicalisme international, s’est intéressé au sujet des salariés chargés des travaux domestiques. On connaissait la position de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) sur les mauvaises conditions de travail au Qatar pour les travailleurs migrants. Réunis à Berlin fin mai 2014, les syndicalistes au niveau international (CSI), souhaitent mettre un terme à l’esclavage moderne dans des pays comme le Qatar et l’Arabie saoudite.
Le Qatar a été expressément cité dans la conclusion des travaux qui se sont tenus à Berlin du 18 au 23 mai 2014. « La CSI est déterminée à renforcer le pouvoir des travailleurs/euses pour façonner des sociétés et des économies socialement équitables. Le mouvement syndical fait la différence à l’échelle mondiale: pour les travailleurs/euses domestiques, pour les travailleurs/euses pris au piège de l’esclavage moderne au Qatar et ailleurs dans le monde, en affrontant le pouvoir des entreprises, en formalisant le travail informel, en organisant les migrants par-delà les frontières, en établissant une protection sociale, en garantissant des conventions collectives solides et des salaires minimums, en instaurant de nouveaux droits et en défendant les droits fondamentaux existants en droit et dans la pratique. »
Il devient urgent pour le Qatar de mettre en œuvre des modifications du droit du travail dont on parle beaucoup mais qui tardent à arriver. Les évènements de ces dernières semaines, concernant les expulsions de leurs logements des travailleurs migrants de la zone de Musheireb ayant des bas salaires ou l’utilisation de Metrash 2, outil informatique pour retrouver les salariés en fuite, ne présage rien de bon. En pointant du doigt ce pays en particulier, la Confédération Syndicale Internationale (CSI) entend montrer aux autorités de ce pays quelle fera tout pour améliorer le sort des travailleurs au Qatar, y compris pour les travaux domestiques.
Au-delà de ces revendications, il apparait incroyable que les qataris très attachés à leurs enfants ne leur offrent pas les meilleures conditions pour assurer leur avenir. Le mauvais traitement des salariés chargés des travaux domestiques a des conséquences incalculables sur la gestion des enfants par ce personnel, faut-il s’étonner que ces enfants soient stressés, avec une obésité grandissante ainsi qu’un diabète galopant et de graves dépressions ? Il y a des stratégies qui démontrent leurs insuffisances, ne pas les abandonner engendre des drames qui quelques fois mettent en péril un pays. Quand on aime autant ses enfants, comment peut-on être aussi insouciant sur ce problème ?
Déjà publié en 2014 mais toujours d’actualité.