Le Qatar arrivera-t-il à contenir le déficit 2016 à 13 milliards ? Les responsables politiques du Qatar sont fortement engagés dans l’évolution économique du pays mais incapables de dépasser certaines « prises de risques » inhérentes au développement du secteur privé.
Remise en question tous azimuts
Le Qatar vient pour la deuxième fois cette année de saisir le marché financier obligataire pour un prêt de 5 milliards de dollars, soit 10 milliards depuis janvier 2016. On se rappelle que le Qatar a annoncé un déficit annuel de 13 milliards de dollars. Il n’y a pas si longtemps le Qatar prêtait, aujourd’hui il emprunte. Rien que pour l’année 2016 le taux d’endettement devrait passer de 32 à 44 % du PIB.
Cela a des conséquences sur les projets en cours ou sur le renouvellement de contrats. C’est ainsi qu’une société comme Maersk qui exploite le champ d’Al Shaheen depuis 1992, un tiers du pétrole qatarien, avec un contrat la liant à Qatar Petroleum (QP) expirant l’année prochaine, se retrouve à subir un appel d’offres aux conditions drastiques qui risquent de l’éliminer du jeu économique qatarien.
Qatar Rail de son côté vient de rompre le contrat avec le coréen du sud Samsung C & T et l’espagnol Obrascon Huarte Lain ( OHL) sur une partie du métro de Doha pour les remplacer par Consolidated Contractors (CCC) pour des raisons de délais mais aussi pour faire baisser le prix des travaux. Il est probable que le Qatar engage une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits, c’est-à-dire ne pas payer le prix demandé.
De nombreux secteurs économiques du Qatar restructurent comme nous l’avons indiqué récemment en matière de téléphonie par exemple. La remise en question tous azimuts suffira-t-elle à contenir le déficit annoncé ?
Un mauvais coup supplémentaire vient d’être porté au Qatar par l’Inde avec la baisse des prix du gaz de près de 60 % avec effet rétroactif à janvier 2016. Comment vont réagir les autres importateurs de gaz qatarien ? A moins qu’ils n’attendent un peu, car le nouvel accord trouvé entre l’Inde et le Qatar comporte un danger sérieux. En effet ce n’est plus sur un lissage des 5 dernières années que le prix du gaz est calculé mais sur les trois derniers mois. Cela peut avoir un inconvénient grave en cas de hausse brutale du prix du pétrole, les prix du gaz augmenteraient aussi impitoyablement.
Doha perd de son éclat
La dépendance aux hydrocarbures et le peu de réussite des investissements de Qatar Investment Authority obligent le Qatar à s’endetter pour assurer son fonctionnement et ses projets. Profitant d’une bonne notation, l’agence de notation Fitch lui octroie un AA stable, le Qatar s’endette au lieu de puiser dans son fonds souverain QIA qui essaie de diversifier ses placements en particulier en Asie et USA. Cet endettement doit impérativement être maitrisé car il peut peser sur la notation de Qatar par les Agences et rendre le coût du crédit à terme bien plus douloureux.
Le Qatar espère un retournement du marché du prix du pétrole, les incendies canadiens dans la province d’Alberta pourraient y contribuer momentanément. Mais la conjoncture internationale n’est pas dans sa meilleure forme pour l’instant et les stocks de pétrole restent hauts.
On comprend donc que l’état qatarien force un peu l’histoire pour essayer de maîtriser ses coûts de fonctionnement. Les mauvaises habitudes du passé, où on dépensait sans compter, ont du mal à disparaitre, mais plus grave encore, la population, hors les responsables politiques du pays, a du mal à accepter la situation et s’engager dans une évolution plus rapide du secteur privé. Au moment où les jurys félicitent les étudiants qui terminent leurs études ou les bons résultats, force est de constater qu’en matière de motivation de la jeunesse qatarienne la méthode employée n’est pas la bonne. Le ministre des finances qatarien à beau déclarer que les lois ont évolué pour encourager l’installation dans le secteur privé, le résultat est là, il n’est pas crédible. Pour un jeune qatarien prendre le risque de créer une entreprise dans le privé peut le conduire en cas d’échec encore et toujours en prison. Tant que cette loi existera, bloquant ainsi les prises de risques, il ne peut y avoir un élan de la jeunesse qatarienne pour le secteur privé.
Les responsables politiques du Qatar sont fortement engagés dans l’évolution économique du pays mais incapables de dépasser certaines « prises de risques » inhérentes au développement du secteur privé. Ils demeurent prisonniers de leur « tradition ».