Un mois après les frappes de la coalition saoudienne et Cie contre le Yémen, où en sommes-nous ?
Chacun avance masqué ce qui rend difficile une solution durable
Trop d’intervenants et d’interlocuteurs rendent complexe la possibilité d’une sortie de crise au Yémen. Ce qui semble certain, c’est que le destin des yéménites ne leur appartient plus et ceci pose problème. Il y a quelques décennies que les difficultés s’amoncellent sans que les yéménites soient réellement écoutés. Or, des intervenants clés comme l’Arabie saoudite et l’ONU continuent à faire la sourde oreille, ce qui a conduit Jamal Benomar émissaire de l’ONU à démissionner. Il vient d’être remplacé par le diplomate mauritanien Ismaïl Ould Cheikh Ahmed immédiatement dénoncé par les Houthis qui ont pris conscience que l’ONU avait malheureusement choisi son camp, celui de l’Arabie saoudite et de ses alliés.
Un autre interlocuteur majeur dans cette tragédie yéménite est l’Iran. Ce pays est supposé aider les milices chiites Houthis mais concrètement sur le terrain ce sont plus des mots qu’une aide appropriée. Lorsqu’on compare le soutien qu’apporte l’Arabie saoudite et Cie aux pro- Hadi et l’aide de l’Iran c’est totalement disproportionné.
Et que dire de celui qui joue le rôle du « fourbe », l’ancien président Saleh qui pendant des années a combattu les Houthis pour s’associer avec eux contre son vice-président qui l’avait remplacé, Hadi. Pendant 40 ans Saleh sous couvert de l’Arabie saoudite a pillé le Yémen pour en faire un des plus pauvres états du monde. Or, cet homme avec ses troupes prépare un nouveau changement stratégique sans doute en revenant se soumettre aux saoudiens ou mieux encore jouant avec les deux camps.
Concernant l’actuelle président Hadi en fuite à Riyad, les pro- Hadi doivent admettre que le président n’est pas l’homme du futur. Depuis sa nomination il n’a rien résolu. Son remplacement est en route, la nomination de l’actuel premier ministre du Yémen Khaled Bahah comme vice-président est un bon signal.
Certains diront mais les américains que font-ils ? Si l’affaire n’était pas si dramatique on pourrait en sourire, car alors qu’ils organisent l’ensemble des interventions de la coalition, ravitaillent les avions de chasse, participent au blocus maritime, fournissent les munitions et les renseignements, ils considèrent ne pas être dans le conflit, prenant le monde entier pour des ahuris. La France et l’Europe une fois encore sans discernement, suivent béats les américains et les saoudiens. Faut-il s’étonner que dans ce méli-mélo, AQPA, Al Qaida au Yémen, se renforce mettant à mal des années de frappes de drones américains ?
Au cas où la mémoire flancherait pour certains, il faut rappeler que les Houthis sont des yéménites et non des iraniens et qu’ils vivent dans ce pays depuis des millénaires. Leur religion dans la pratique est plus proche du sunnisme que du schisme. On ne peut que regretter que les Houthis n’affirment pas plus clairement leur culture. Il a fallu attendre près de 4 semaines de combats pour que le dirigeant de ce groupe enfin s’exprime publiquement. Il est vital que chaque partie prenante yéménite affirme ses revendications, sans cela il n’y aura pas de discussions à terme et de solution de sortie de crise.
Notre observation de ce conflit nous fait imaginer une sortie par un retour de l’ONU dans ses prérogatives sans prendre parti. L’aide humanitaire doit rapidement être acheminée sur tout le territoire car le bilan dans les jours à venir risque d’être bien plus grave que les chiffres officiels annoncés. Enfin ce n’est pas par la force que la solution sera trouvée au Yémen puisque les frappes ont repris ce dimanche 26 avril 2015. Le président actuel Hadi n’a plus aucune crédibilité pour revenir au pouvoir et ramener la paix au Yémen. Il faut repasser par des élections et accorder aux trois régions à construire, Centre, Nord et Sud, une large autonomie. Un gouvernement central issu de ces trois régions gouvernera l’ensemble. Une mutualisation des richesses doit être trouvée entre les trois régions. Pour que cet ensemble ait force et crédibilité il doit reposer sur un retour aux urnes par région. Chacun sait qu’il n’y a pas de solution autre que politique.