Malgré les moyens dont il dispose et les compétences d’un Cabinet international de premier plan, sur le droit du travail, le Qatar joue la montre. Et pendant ce temps-là, les expatriés continuent à mourir ou à être blessé.
Le Qatar a-t-il les moyens de produire des textes pour modifier son droit du travail ?
Pour avoir travaillé une trentaine d’années dans le droit social et observer le Qatar depuis presque deux ans, la réponse est clairement, oui. Le ministère du travail qatarien, Qatar Foundation, organisme qatari très en pointe sur le droit social et les compétences d’un Cabinet international de premier plan, sur le droit du travail comme DLA Piper, permettent de répondre par l’affirmative à la question sur les ressources nécessaires pour produire les textes. Ces trois intervenants sont parfaitement capables de simuler toutes les conséquences de textes touchant au système du Kafala, à la fin d’une interdiction de quitter le Qatar sans l’autorisation de son employeur, de concevoir des accords collectifs par branches d’activités et une base nationale applicable à tous. Ainsi que de concevoir les indicateurs et les organismes nécessaire pour faire fonctionner et évaluer cet ensemble. Le Qatar pourrait en outre pouvoir bénéficier de l’assistance d’un organisme comme le Bureau International du Travail s’il en faisait la demande.
Quelles sont les raisons invoquées pour ne pas modifier les textes actuels ?
La plus importante est celle d’une déstabilisation de la société qatarie. En effet, sur les 2,2 millions habitants du Qatar, les qataris ne représentent au mieux que 250 000. Est-ce que cette situation peut changer dans 10, 20 ou 30 prochaines années ? La réponse est définitivement non. Nous pensons même que la population globale du Qatar pourrait dans les années 2 030 atteindre 2,5 millions d’habitants et les qataris n’être plus que 225 000 voire moins. La dégradation de la santé de la jeune génération, un taux de divorce qui explose et une pression considérable sur les responsables qataris générant un stress et un burn-out va faire d’immense dégâts notamment sur la natalité. Les qataris étant dans l’incapacité d’ouvrir leur citoyenneté pour ne pas être « submergés » sont dans le temps, condamnés à devenir « rares ». Une deuxième raison purement financière n’est pas à négliger, si demain il y a une liberté de changer d’employeur pour un expatrié y compris Indien, Népalais ou autres les salaires vont augmenter par la force de la concurrence. Enfin, les conditions de travail sont telles que si demain certains expatriés pouvaient quitter le territoire qatari ils partiraient. Lorsqu’on voit autant de morts et de blessés autour de soi, des conditions de travail avec une exposition à des températures indignes d’un être vivant et des conditions de vie dans les camps de travail où il est quasiment impossible de récupérer. Certains expatriés prennent conscience que leur vie ne tient qu’à un fil et leur famille une fois qu’ils sont blessés ou décédés retombent dans une effroyable misère.
En conclusion, le Qatar savait qu’en ayant accès à la Coupe du Monde 2022, mais aussi à toutes ces compétitions mondiales qui la précèdent, serait sous les feux des projecteurs. Au niveau du Village le monde, il paraît inconcevable de retenir les raisons invoquées par le Qatar de ne pas modifier son droit du travail et de séjour. Ce n’est pas parce qu’il aura du temps que cela résoudra le problème de fond. Puisque de toute manière les raisons invoquées ne disparaitront pas bien au contraire.
Le Qatar doit agir rapidement pour modifier son droit du travail car il en a la capacité mais c’est bien la volonté qui manque. Si tel n’est pas le cas dans les mois à venir, il doit cesser de vouloir organiser la Coupe du monde 2022 de football mais aussi toutes les autres compétions auxquelles il aspire.
Human Rights Watch communique sur ce sujet
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