Le Qatar au 19 décembre 2014

 L’écrivain et scénariste parisien, Gilles Legardinier, aurait écrit « « l’argent ne fait pas le bonheur, mais il achète tout le reste, » cette citation peut-elle s’appliquer au Qatar ? Au lendemain de la fête nationale de ce pays, nous mettons en ligne « l’état du Qatar », un point sur les dossiers clé en cette fin décembre 2014, en exprimant quelques remarques et souhaits.

 

Un contexte mondial qui pèse sur le Qatar

Arthur Rimbaud dans son poème « Une saison en enfer », nous sert, grâce à deux expressions de son immense œuvre, pour parler du Qatar :

  • Il faut être absolument moderne
  • Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.

Faut-il être béat devant le mot « moderne » ou plutôt se tenir aux aguets, ouvert à tout ce qui pourrait survenir de radicalement neuf et mériter le nom de progrès.  Certes le Qatar n’est pas seul à réfléchir sur cette problématique, mais comme il passe en quelques décennies des années 1800 au « monde moderne » cette réflexion semble appropriée.

La deuxième expression, permet de répondre à cette classe de première, qui nous a interrogés sur la face cachée du Qatar en matière de religion. Ne trouvant aucun texte qui leur convenait, ces « jeunes », pour remplir leur mission et rendre leur devoir, se sont adressés à qatarinfos.net. Voici la réponse que nous leur ferons accompagnée d’un texte plus complet, qu’ils se rassurent, « le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »

Le commando qui dirige le Qatar doit à la fois aller vers « l’absolument moderne » sans oublier qu’il est un pays qui se dit d’obédience wahhabite. Lorsqu’on voyage intellectuellement en permanence entre l’absolument moderne et le wahhabisme, les conflits avec les voisins, la chute importante des prix du pétrole avec ses conséquences économiques, les choix impératifs d’une diversification économique sans possibilité de se tromper, ou les délires permanents, d’une Fifa en fin de règne, concernant la Coupe du Monde 2022 de football, paraissent bien désuets.

 

L’état du Qatar sur quelques dossiers clés

Nous ne connaissons toujours pas officiellement la population des qatariens alors que le gouvernement publie le chiffre global, soit  2 269 672 habitants au 30 novembre 2014. Il est temps que ce secret d’état cesse et que le nombre des qataris soit connu.

Défense nationale : Il faut noter la mobilisation des jeunes générations qataries avec le service national obligatoire. Celui-ci sera même ouvert aux femmes prochainement. Il a comme objectif d’échapper aux emprises, d’une armée composée à 95 % de mercenaires et une protection du territoire assurée par la présence de la base américaine d’al Udeid. Le rapprochement avec les pays du CCG y compris au niveau militaire, la mise en place d’un bouclier anti-missile, la livraison des chars Léopard 2 qui continue, un renforcement de la navale, montrent que le Qatar comble lentement les lacunes du passé. Au niveau de ses avions de combat il est dans l’incapacité de prendre une décision, avec les moyens financiers qui se tendent, le choix de s’équiper d’avions modernes pourrait être repoussé. A fin décembre 2014, le Qatar n’est pas en mesure d’assurer seul sa défense.

Institutions politiques : En mai 2015, le Conseil Municipal Central (CMC) sera élu, c’est la seule élection démocratique au Qatar avec un pouvoir dés plus limité. Les élections législatives annoncées plusieurs fois par l’ancien émir ont complètement disparu du langage du nouvel émir. La mise en place d’un vice-émir qui lui sert de fusible, complique et diminue encore plus les prérogatives du gouvernement. Le premier ministre vient enfin d’en comprendre l’étendue et se bat pour retrouver la place qu’occupait sa fonction du temps de l’émir Hamad. L’émir règne en maitre sur une monarchie absolue. Il a modifié toutes les instances pour y mettre les personnes en qui il a confiance. Cette façon de diriger le pays peut réveiller un vieux démon qatari, la destitution et le remplacement du monarque.

Politique interne du Qatar  : Un meilleur équilibre est en voie d’être trouvé entre politique étrangère et intérieure. Si le rêve de devenir « les maîtres du monde n’a pas complétement disparu dans la tête du « jeune émir trentenaire », les qataris constatent que les efforts pour mettre à jour les infrastructures du pays sont bien réels. Cela occasionne dans l’immédiat d’énormes difficultés de circulation, des tensions sur le logement et d’autres problèmes de la vie courante, comme l’impression d’être submergés par la vague des expatriés qui ne cesse de croître pour faire face aux nombreux travaux à effectuer notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Si dans 4 ou 5 ans, une partie importante de la population devait changer avec le départ massif des expatriés de bas niveaux de qualification, en attendant les tensions entre autochtones et étrangers se renforcent.

Au niveau de l’éducation nationale, de la santé (obésité, diabète…), de la famille et de l’avenir des jeunes qataris, le pays marque un palier.

 

Au niveau économique : Nos récents articles sur ce sujet font le point sur la situation :

les-pays-du-golfe-et-les-notions-de-solvabilite-liquidites-et-attractivite

Qatar-un-endettement-a-surveiller

Le-qatar-ne-fait-pas-le-necessaire-pour-preparer-son-avenir

Capitaux-et-talents-les-deux-piliers-du-qatar

 

Politique étrangère : Le Qatar modifie une partie de sa politique étrangère pour donner l’impression de se recentrer sur son territoire. Rien ne permet de croire que malgré les apparences, sur le fond, ses intentions de peser au Moyen Orient et dans le Monde soient différentes. Le plus surprenant est son attitude envers l’Egypte. C’est par un communiqué de presse de l’AFP, que nous apprenons le soutien du Qatar au programme politique du président Al Sissi dirigeant de l’Egypte : Le Qatar s’est rallié mardi aux autres monarchies du Golfe dans leur soutien à l’Egypte du président Abdel Fattah al-Sissi, après avoir longtemps appuyé les Frères musulmans décriés par ses partenaires au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Dans un communiqué final au terme de leur sommet annuel à Doha, les dirigeants des six membres du CCG ont proclamé « leur plein soutien à l’Egypte » et leur « appui au programme (politique) du président Sissi », surmontant ainsi leurs divergences à l’égard du pouvoir égyptien qui a décrété « terroriste » la confrérie des Frères musulmans.

En adhérent au programme politique de l’Egypte,  le Qatar reconnait implicitement que le président al Sissi a eu raison de classer les frères musulmans comme « terroriste. » Après les américains, voilà les qatariens qui lâchent en rase campagne la Confrérie. Ceci ne sera pas sans conséquence pour l’avenir du Qatar et pour toute la région.

Le temps seulement nous dira la réalité des relations entre le Qatar et ses voisins. Lorsqu’on examine la décision du Bahreïn de ne pas donner son accord pour une épreuve mondiale de la Formule 1 au Qatar, cela montre qu’on est loin de l’unanimité de façade.

 

Conclusion provisoire

Les qataris peuvent-ils être heureux dans leur pays, au milieu d’une population étrangère qui bientôt dépassera les 90 % du total des habitants ? Ces migrants qui souffrent d’un manque de considération, puisque une bonne partie d’entre eux ne dispose pas des droits élémentaires de la dignité humaine. Et que les autres souhaiteraient s’impliquer et vivre dans le pays sans le pouvoir. Il existe dans ce pays des restes de l’esclavage du passé qui ne peuvent pas être acceptables pour des « croyants ». Finalement Gilles Legardinier aurait-il raison de dire  l’argent ne fait pas le bonheur, mais il achète tout le reste ?

Que chacun se rappelle ce qui sera mis sur les plateaux de la balance au moment du jugement dernier.