Il était en France en visite privée ce week end, au-delà de la visite à Hollande pour parler de la Syrie, il fallait qu’il montre qu’il existe. Le « boss » c’est lui et s’il laisse la main à quelqu’un d’autre fusse sa mère, scheikha Moza, son pouvoir s’en ressentira. Trois mois plus tard, il est toujours caché dans un nuage de fumée.
Tamim au pouvoir qui est-il réellement ?
Jean-Claude Guillebaud dans son article d’août 2012 intitulé « La puissance de l’édredon » parle de la fameuse règle des trois L. Cette consonne triplée décrit les trois étapes rituelles et consécutives auxquelles obéit l’univers sans pitié de la société du spectacle : louer, lâcher, lyncher.
Si l’émir Tamim tarde à rentrer sur la scène internationale, c’est qu’il essaie de se protéger de cette inexorable règle. Il a été loué, il le sera encore un peu, mais rentre déjà dans la sphère du « lâcher ». Certes, il est préparé à cette deuxième étape et il sait qu’il risque à terme d’affronter le « lyncher », mais l’essentiel n’est pas là, l’homme est solide. Ce que beaucoup d’observateurs regrettent c’est qu’il se cache encore trois mois plus tard dans un nuage de fumée. Tantôt mou tantôt tortueux, c’est le genre de comportement qui est plus du ressort d’un ministre des affaires étrangères que celui d’un dirigeant, d’un état qui est un peu « secoué ».
Une politique étrangère encore plus floue que dans le passé
Le véritable danger dans l’immédiat pour le Qatar est sa politique étrangère. Du temps des « deux Hamad » on savait qu’ils trempaient de partout, quelques fois difficile à démontrer, mais les langues finissent toujours pas se délier. Le côté tortueux de Tamim pourrait le pousser « à faire mais à ne pas dire ». Il a été contraint d’accepter la nouvelle place politique du Qatar dans l’échiquier mondial et notamment dans les pays du Golfe et du Nord Afrique. Dans cette partie du monde, la prise en main par l’Arabie saoudite est évidente, le laisser faire par les américains l’est tout autant. Son premier déplacement à l’étranger en Arabie saoudite n’a pas apporté autant qu’il le souhaitait. « Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a proclamé son appui au pouvoir égyptien « face au terrorisme » et mis en garde contre « les ingérences » dans ce pays meurtri par les violences entre partisans du président islamiste déchu et forces de sécurité. » Pire encore, les strates en dessous du Roi s’évertuent à détricoter tout ce que HBJ premier ministre du Qatar a mis des années à mettre en place.
Sa plus grande difficulté réside dans le dossier frères musulmans. A vouloir jouer sur tous les tableaux, une fois encore l’émir finira par ramasser des « coups » par tous. On peut très bien être intraitable sur l’existence politique en Egypte des frères musulmans. Ils doivent avoir une place dans le « jeu » politique car on ne peut pas nier l’opinion de 15 millions de personnes. L’erreur du pouvoir égyptien de cataloguer les « frères musulmans dans la catégorie terroristes » et par conséquent « les éliminer » est inacceptable. Mais cette prise de position doit se faire uniquement dans le cadre normal d’une politique étrangère.
Toutes ces « manigances du passé » ne rapportent rien de solide au Qatar. Pire, elles coûtent des milliards souvent au détriment de projets internes qui ont pris du retard, notamment les infrastructures routière et ferrovière. La voie pour le jeune émir est d’arriver à garder une certaine neutralité, il pourra ainsi dans un deuxième temps se poser en médiateur. Tout le monde sait que l’Arabie saoudite à terme se brûlera les doigts à vouloir gérer tous les dossiers de la zone MENA.
Trois mois plus tard la situation interne ne change pas elle empire
Je lisais ce matin un article d’un site web qui parle d’un expatrié français apparemment heureux de vivre au Qatar au point de vouloir bâtir une famille. Cela prête à sourire tellement c’est gros ! Si avec ce type d’article les autorités Qatari pensent contre balancer tous les articles parus ces temps derniers sur le sort de 4 français retenus contre leur gré, ils rêvent. C’est la même chose que la politique interne du Qatar. On paie des experts de classe internationale pour dire que les salaires ont été augmentés en moyenne plus que l’inflation. Il n’y a pas besoin d’experts pour cela !
Allez demander aux livreurs de pizzas qui risquent chaque jour leur vie pour une bouchée de pain ce qu’ils pensent de leurs salaires. Allez demander aux asiatiques pourquoi ils ont des salaires inferieurs de 50 % en tant que conducteurs de bus alors que les égyptiens sont payés bien plus. Allez demander aux jeunes pakistanais nés au Qatar pourquoi ils doivent acheter à un prix d’or un permis pour « exister »…
Demandez aux Qataris et aux expatriés tous les matins et tous les soirs combien de temps ils mettent pour rentrer chez eux. Demandez aux jeunes qataris à qui on avait promis des places et qui ne voient rien arriver malgré de nombreuses années d’études. Demandez sérieusement aux qataris ce qu’ils pensent de la Coupe du monde de foot et des années de galères qu’ils auront à affronter, deux mois d’enfer tout cela pour « flatter l’égo et le portefeuille de quelques millionnaires ».
Depuis trois mois, l’émir et son gouvernement racontent partout qu’ils vont enfin penser aux habitants de Doha et du Qatar et rien n’arrive. Après le danger lié à la politique étrangère, le deuxième péril menaçant le Qatar est sa population de Qataris et expatriés, de plus en plus stressés, malmenés et sans véritable projet.
Le gouvernement actuel comme le précédent se soumettant « aux experts internationaux » qui ne tiennent pas compte de la réalité, conduisent l’émir et son gouvernement tout droit dans une impasse. Le pire est encore ce « machin » Vision 2 030 qui s’avère être une planification « digne de l’ère soviétique » où chacun se congratule et on continue à ne pas écouter les habitants du Qatar. Ces derniers n’ayant aucun organisme politique pour s’exprimer, le font via les réseaux sociaux avec tous les délires que l’on peut imaginer.
Oui, il faut une véritable politique interne aidant les Qataris et les expatriés à mieux vivre mais pour cela il faut un gouvernement piloté par un premier ministre qui veuille bien être à l’écoute et parler à ses concitoyens. Autant HBJ était omni présent, autant le premier ministre actuel est « invisible »….
Trois mois plus tard, que penser de l’émir Tamim ? On a bien du mal à se faire une opinion.
Ce qui est certain, la politique étrangère est plus floue qu’avant et à terme les lignes rouges seront franchies. La politique interne empire avec un gouvernement qui ne vient pas en aide à l’émir. Celui-ci dans quelques temps, après avoir été loué, lâché, bénéficiera comme tous les dirigeants qui ne s’affirment pas d’un lynchage médiatique…