Comment une chaine de TV arabe qui donnait la parole aux terroristes antiaméricains peut-elle s’installer durablement aux USA ? Comment le Qatar peut-il retrouver une crédibilité auprès des autorités américaines ? Un double challenge avec à la tête un même guide l’émir Tamim.
Un contexte difficile pour Al Jazeera et le Qatar
Alexandre Piquard journaliste au Monde vient de commettre un article sur la prochaine implantation d’Al Jazeera aux USA, ce qui m’incite à m’intéresser au sujet.
Il y a quelques semaines OBAMA a demandé à l’émir Hamad de se retirer du jeu politique avec son « bouillonnant premier ministre HBJ ». Le président américain a conseillé à l’émir Tamim fils de Hamad de ne plus s’occuper des affaires internationales du Golfe et l’Afrique du Nord et de laisser faire une équipe de l’Arabie saoudite. L’émir Tamim comme son père dans le passé fixe la ligne générale d’Al Jazeera mais ne s’en occupe pas au quotidien.
L’affaire est plus complexe que prévu
Comment une chaine de TV arabe qui donnait la parole aux terroristes antiaméricains peut-elle s’installer durablement aux USA ?
La réponse nous vient de Paul Eedle, directeur d’Al Jazeera version anglaise « Nous sommes là parce que nous pensons que nous avons quelque chose de plus à offrir à l’Amérique », explique- t-il. Paul Eedle sait de quoi il parle puisque pendant des années il a essayé de pénétrer le marché américain en passant par le câble et le satellite sans succès à fin 2012 elle n’avait que 4.6 millions de téléspectateurs. Devant cet échec, les dirigeants d’Al Jazeera ont été contraints d’acheter Current TV, la chaine d’Al Gore, pour 500 millions de dollars en Janvier 2013 afin de donner vie à une chaîne sur le sol américain.
Ehab Al Shihabi, le directeur général d’ Al Jazeera America indique que la bataille se gagnera par la qualité du service, 14 heures de direct par jour, très peu de publicité, nous irons là où les autres ne vont plus, sur le terrain à la rencontre des américains et pas seulement des célébrités. Une chaîne sobre comme la ligne de luxe QELA une ligne sobre. En tout cas depuis aujourd’hui 20 août 2013 Al Jazeera America c’est parti.
Embaucher plus d’américains
Une série d’annonces sur les nouvelles recrues comme Ali Velshi, un personnage clé, celui-ci vient de quitter CNN pour rejoindre Al-Jazeera America, comme Ed Pound, un journaliste d’investigation expérimenté le tout sous la houlette de Kate O’Brian, qui va diriger l’équipe éditoriale. une ancienne de ABC News. Mais aussi John Seigenthaler (ex-NBC), David Shuster, de MSNBC, ou encore Joie Chen et Soledad O’Brien… Al Jazeera America a mis le paquet pour avoir tous ces « pros ».
La nouvelle chaîne aura son siège à New York, disant vouloir ouvrir des bureaux supplémentaires à Washington, Los Angeles, Miami, Chicago et Detroit. Le nombre de salariés devrait atteindre à terme 900 dont 400 journalistes au moment où le paysage audiovisuel américain restructure.
Et Ehab Al Shihabi continue, l’embauche d’Ali Velshi un des personnages clé de CNN, crée un élan pour la chaîne Al Jazeera America . « Nous avons reçu 16 000 CV alors que nous recherchions 250 journalistes. Nous faisons partie des rares qui embauchent et qui ont de l’argent à mettre sur ce type de média. »
La réaction du public et des géants de la publicité
Une société comme Qorvis Communications et Siegel & Gale, préparent l’arrivée de la chaîne en essayant de limiter les oppositions. Les représentants d’Al Jazeera America semblent conscients du fait qu’ils sont confrontés à un défi marketing énorme, il faut coller aux souhaits du public ou alors cela pourrait être un énorme « bide ». C’est à Al Jazeera America de s’adapter et non de vouloir imposer sa vision du monde. Ses concurrents seront à l’affut et c’est une bataille à mort qui s’engagera tant les parts de marché deviennent compliquées à garder.
Concernant la publicité, la lutte pour toucher les géants de la profession a déjà commencé. Cette pub sera courte 6 minutes par heure, contre plus de 15 minutes pour les autres chaînes américaines mais cela ne rebute à priori pas les géants de la publicité. Al Jazeera va commencer à émettre dans les 48 des 100 millions de foyers qui ont la télévision payante. Mais ce qui pourrait vraiment faire une différence pour Al Jazeera America , ce sont les moyens considérables que le Qatar peut mettre dans cet enjeu.
Comment le Qatar peut-il retrouver une crédibilité auprès des autorités américaines ?
L’émir Tamim a eu un héritage extraordinaire si on le compare à celui qu’avait eu son père. Il vient de s’apercevoir du peu de solidité de l’édifice Qatar. Il aura suffit de quelques heures le mardi 23 avril 2013, d’une rencontre entre OBAMA et l’émir HAMAD pour que tout soit bouleversé.
L’émir Tamim accepte pour l’instant cette façon plutôt cavalière du président américain car il ne peut faire autrement, il prépare l’avenir, il n’a que 33 ans. La bataille d’Al Jazeera est capitale pour lui. Mais il lui reste aussi à réussir sa Vision 2 030, la coupe du monde de football et à échapper à l’asphyxie économique et social qui le guète.
Si Al Jazeera est un échec, cela confirmera ce que pense une grosse partie des américains du Qatar à savoir un pays pour le moins ambigu et trop solidaire des mouvances islamistes et pas si professionnel que ça.
Si Al Jazeera America est une réussite et qu’elle rentre dans la vie des américains par un travail sobre, sérieux, parlant de l’Amérique et des américains. Si Tamim fait l’inverse de ce qu’il fait aujourd’hui et laisse Al Jazeera faire son travail de journalisme sans essayer de vendre « son wahhabisme », peut être alors que la notoriété d’Al Jazeera America pourra retomber sur les dirigeants du Qatar. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là et tout le travail reste à faire.