Bienvenue Monsieur Hollande, enfin vous voilà. Vous êtes allé en Arabie Saoudite au mois de novembre 2012 et puis en janvier aux Emirats et puis enfin au Qatar. J’aimerai vous rappeler M. Hollande le proverbe africain : Il n’y a pas de plus grand bonheur que la venue d’un hôte dans la paix et l’amitié. C’est ce que pourrait dire l’Emir au président Hollande et en Français !
L’amitié France – Qatar
Il y a eu la relation avec le gouvernement précédent. L’ambassadeur du Qatar en France Mohamed Jaham Al-Kuwari a fait une très, très longue interview avec Pierre Haski et notamment il a dit « La relation entre la France et le Qatar est ancienne, et ce qui est important c’est la continuité. Le choix du président est celui du peuple français, et nous traitons avec le chef de l’Etat quel qu’il soit, car la France est pour nous un pays important. »
Bon nombre de gens de la presse a commenté cette rencontre entre les deux chefs d’état, ce qu’il en ressort ce sont trois expressions : une relation « normale », dissiper quelques malentendus, et faire des affaires. Evidemment parler aussi des dossiers internationaux. (Voir mon article sur la Syrie.)
Concernant cette amitié, il est bon de rappeler Aristote, celui-ci disait « L’amitié représente une forme d’égalité comparable à la justice : chacun rend à l’autre des bienfaits semblables à ceux qu’il a reçus. »
Quels bienfaits les deux pays peuvent attendre l’un de l’autre ?
Une relation « normale », en opposition à quelques excès voir des errances de quelques ministres du gouvernement précédent, l’Emir et ses ministres ont sûrement autre chose à faire. Mais de là à se voir juste quand on a besoin de vendre des avions ou autres armements, on tombe dans l’excès contraire. Il faut entretenir les relations et se voir régulièrement. La venue par exemple du premier ministre ou d’un ministre important au Forum économique de Doha eut été un signe. Tel n’a pas été le cas.
Dissiper quelques malentendus comme la présence du Qatar au Mali, le soutien aux groupes islamistes, le sort des travailleurs étrangers, le poète emprisonné… Là encore notre cher ambassadeur dans sa longue interview a tenu à répondre sur tous ces points. En lisant avec attention je me suis demandé d’ailleurs s’il était vraiment utile que le président Hollande aille passer une quarantaine d’heures au Qatar juste pour essayer de vendre quelques armements. Certes, il y aura un Forum économique entre le Qatar et la France demain et quelques repas mais répondre à autant de problèmes avant une visite, monsieur l’ambassadeur, je trouve que vous êtes allé trop loin. En tout cas ça laisse une étrange sensation de cadrage de la rencontre pour le moins maladroite. Laissons M. Hollande aborder ces malentendus avec l’Emir et son successeur et tirer les conclusions qui s’imposent.
Faire des affaires, les hypocrites parlent de relations économiques. Nous avons besoin des investissements du Qatar et celui-ci doit mettre de l’argent dans un pays sûr ayant un avenir devant lui et pouvoir en tirer profit. Prenons l’exemple de l’armement, les allemands nous ont soufflé le marché des chars car nous n’avons pas fait une offre sérieuse. Nous n’avons même pas écouté l’envie de notre client, on a fait comme d’habitude, essayer de vendre l’invendable, vendre des vieux chars d’occasion… Tâchons de faire mieux avec le Rafale, il faudra bien que quelqu’un nous en achète, enfin, cela incitera d’autres à en faire de même, peut être.
L’image du Qatar en France peut-elle changer ?
Certainement, mais il y a du travail sur la planche. Le bon exemple pourrait venir sur un sujet qui reste polémique sur la forme et le fond, l’aide aux banlieues, transformé en aide aux projets d’entreprises. Le gouvernement a rattrapé de justesse une belle maladresse. La demande de la part des associations concernant une aide au développement de projets économiques émanant de personnes des banlieues est fondé et nécessaire. La maladresse a été de s’adresser à un interlocuteur étranger, c’est au gouvernement français de faire face à ce type de demande et à personne d’autre.
Le deuxième exemple est la relation que nous avons avec l’Islam dans le pays France. Lorsqu’on est musulman et que l’on voit un sondage disant que 75 % des français jugent les musulmans pratiquant une religion intolérante, cela est plus qu’inquiétant. La République doit être attentive à tous les citoyens. La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat voulue par Aristide Briand défend la laïcité comme acte fondateur, mais n’a fermé aucune porte à la réflexion sur l’exercice des religions ni pour les musulmans ni pour les autres religions.
Je terminerai en rappelant la phrase de Ted Rall « Les vrais amis t’aiment pour ce que tu es et non pour ce qu’ils veulent que tu sois »
Photo : François Hollande reçoit l’Emir du Qatar à l’Elysée (DATICHE NICOLAS/SIPA). Aujourd’hui François Hollande rencontre l’Emir du Qatar à Doha